Juliana, la narratrice de Juliana les regarde, dix ans, est fille de ministre, d’où une description au vitriol de la très haute société, avec tout ce que l’expression au vitriol peut impliquer de clichés : alcool et drogue à tous les étages, lubricité et corruption – morale ! – comme mode de vie… Juliana se prend d’affection pour Camila, fille de son âge et de son milieu, qui l’initie notamment à la sexualité : « Elle parlait comme les grands quand elle voulait, on avait presque le même âge, mais moi je me sentais comme sa petite sœur » (p. 21).
Un tel sujet constitue une pente savonneuse, et par moments, le regard que le roman y porte ne m’a pas semblé exempt de cette fascination malsaine que des hommes adultes peuvent éprouver pour les secrets de petites filles. En même temps, ce regard est aussi le sujet du roman, qui en tant que récit d’initiation peut ressembler à « la chambre immense de Camila [où] il y avait de la magie et de la peur partout » (p. 54).
On ne peut pourtant pas donner tort au lecteur qui, au début de Juliana les regarde, trouverait que quelque chose sonne faux : Rosero ne cherche pas à adopter le regard et la langue d’une enfant de dix ans, ou alors s’il le cherchait, c’est raté. À vrai dire, le point de vue adopté n’est jamais fiable : Juliana ment, hésite, se trompe, « Il n’a pas dit ça. Si. Si, il l’a dit. Non » (p. 49). C’était à prévoir, quand on repense au titre – la seule phrase du livre que Juliana ne prend pas en charge, sauf à se dédoubler… Et te ne parle pas de tous ces passages où la petite fille dit une chose pour en signifier une autre – je laisse le lecteur découvrir ce que sont les « nains » dont il est question très tôt dans le livre.
Cela ne rend pas le texte inintéressant pour autant, c’est même son principal intérêt, mais je crains que ça ne puisse pas animer cent cinquante pages, dont beaucoup ne font qu’en répéter d’autres.

Alcofribas
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le 12 août 2019

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