Cette critique de Justicière Volume 2 est la même que celle de Justicière Volume 1, l'ayant lu en VO
En voilà un roman qui aura été difficile pour votre serviteur.
Difficile à lire, difficile d’y repenser après coup et difficile à chroniquer tant le mélange des sentiments rend ici la critique on ne peut plus ardue. Il y a du moins bon dans cette histoire, clairement. Il y a aussi du bon, tout aussi clairement. Rentrons dans les détails.
Troisième tome des Archives de Roshar, Justicière reprend l’histoire quelques temps seulement après que celle-ci se soit arrêtée dans le deuxième volume. Les enjeux sont encore montés d’un cran et la première partie du livre s’attache dès lors à nous montrer les personnages que l’on connait désormais bien dans leurs nouvelles responsabilités.
Mais voilà qu’à peine la première partie démarrée que le premier écueil apparait dès lors rapidement.
Le premier défaut du livre est clairement le plus visible : sa longueur.
Si les nouveaux enjeux ne tardent pas à être présentés au lecteur dès les premiers chapitres, on en vient à rapidement déchanter quelque peu. En effet, l’extrême longueur du roman dilue au moins dans sa grande première moitié le rythme de l’histoire. Certains chapitres de personnages, notamment durant les deux premières parties du livre, semblent se répéter sans rien apporter, si bien qu’on a franchement l’impression de sentir l’auteur patiner au fur et à mesure que les pages défilent sans que rien ne semble avancer.
C’est bien ici que le bât blesse. Sanderson donne au départ le sentiment de ne pas vouloir faire véritablement démarrer son intrigue, noyant les personnages dans des directions et atermoiements pas toujours bienvenus tant on se demande quel en est l’apport au final (si ce n’est de nouveaux atermoiements dans certains cas…). Et si ces ralentissements ne touchaient que quelques personnages, hélas. L’ensemble des héros (oui oui, même Kaladin et Dalinar) donnent l’ennuyeuse impression d’être figés dans une attente fébrile et un statu quo que personne ne souhaite briser pendant une grande moitié de l’histoire.
L’intrigue se découpe alors dans une multitude de sous-intrigues dont certaines, bien que légitimes, ne sont que partiellement traitées, l’auteur donnant trop souvent l’impression de changer d’avis en cours de route.
Le rythme tend par la suite à s’accélérer une fois que la plupart des héros se réunissent, ce qui permet à l’auteur de moins s’éparpiller dans les points de vue de ses personnages-clés, en plus d’offrir de nouvelles perspectives intéressantes comme le développement des personnages du Pont Quatre. On regrettera cependant que certains personnages au potentiel prometteur ne soient pas véritablement développés. Ainsi, Jasnah n’a toujours que très peu de chapitres dédiés et Renarin pas du tout, alors qu’il s’agit pourtant de personnages essentiels.Et les problèmes de gestion du rythme ne sont pas en reste puisque les interactions entre personnages semblent également régresser depuis le deuxième tome.
Ainsi, la plupart des personnages en viennent parfois à se comporter entre-eux comme de véritables adolescents (la faute en grande partie, mais pas que, à un triangle amoureux qui aurait pu être mieux géré) et toute la partie dans Kholinar donne parfois davantage le sentiment que l’on suit une bande de jeune partis faire leurs premières vacances sans leurs parents plutôt qu’à un groupe de Chevaliers Radieux en mission secrète en plein territoire ennemi.
Heureusement, tout n’est pas à jeter. En premier lieu, l’auteur n’a toujours pas son pareil pour convoquer dans notre esprit certaines scènes très visuelles. Ainsi, imaginer Kaladin et Syl en action produit toujours ce petit frisson qui rend chacun de ces moments mémorables, après trois tomes.
De même, la majorité des nouveaux personnages, alliés ou antagonistes, sont pour la plupart réussis. Le personnage de Lift (aperçu dans la novella Dansecorde) fait pour ainsi dire son petit effet grâce à son caractère espiègle et débonnaire (et parfois franchement badass, disons-le !) qui offre au lecteur une respiration bienvenue dans une histoire aux enjeux sans cesse plus conséquents. De l’autre côté du spectre, l’incarnation du principal antagoniste s’avère être loin des clichés traditionnels du grand méchant et ses apparitions contribuent souvent à relancer certains moments parfois un peu plats.
Et comme on pouvait s’y attendre, le dernier quart du roman est aussi le meilleur. Rappelant ainsi les convergences dont un certain Steven Erikson est coutumier du fait, Brandon Sanderson convoque ses personnages pour un final grandiose (qui ne peut définitivement se lire qu’en écoutant la playlist Spotify spécialement crée par l’auteur pour son écriture). En une succession ininterrompue de scènes iconiques et dantesques, l’auteur parvient à ce moment à faire oublier les défauts qu’il a pourtant trainé avec lui le long de son histoire. Certaines intrigues se referment de manière magistrale tandis que d’autres ouvrent des perspectives prometteuses pour la suite.
Les chapitres finaux contiennent eux aussi leur lot de changement de paradigmes et annoncent un quatrième tome engageant. Certaines évolutions de personnages tombent à point nommé et globalement tous les personnages principaux et secondaires ne seront plus véritablement les mêmes, permettant à l’histoire de prendre un nouvel envol.
Que reste-t-il au final d’Oathbringer ? Une première moitié décevante et un final incroyable ? Cela serait grossièrement résumer la chose. Ce troisième tome met en exergue les défauts qu’on croyait partiellement corrigés de l’auteur à l’issue du tome 2 et qui viennent se mélanger aux multiples qualités auxquelles l’auteur nous a habitué depuis plus d’une décennie. Forcément moins bon que ses prédécesseurs, Justicière n’en reste pas moins une bonne histoire qui nous fait plonger à plein dans un univers au demeurant toujours aussi fascinant.