Il y a plus de trente ans, Jean Rouaud avait trente ans. Il gagnait sa vie en travaillant dans un kiosque à journaux parisien. Il se place aujourd'hui au centre du récit. S'exprimant à la première personne, il le fait cependant avec retenue, à une certaine distance de l'action en utilisant l'imparfait pour parler des personnages qu'il observait pendant les années qui furent celles de son apprentissage d'écrivain. Conscient de pratiquer lui-même alors un " métier de peu ", il esquisse une série de vies minuscules qui s'entrecroisent devant les piles de journaux, se perdent en digressions savoureuses, s'accoudent parfois au comptoir d'un bistrot voisin ou entreprennent des excursions jusqu'au Louvre où se construit alors une étrange pyramide. Le kiosque est le centre d'un monde où se concentrent des destins qui proviennent d'un passé plus ou moins lointain et qui peuvent disparaître vers des contrées obscures comme le Périgord noir ou la Loire inférieure. L'auteur évoque volontiers Flaubert et on penserait même sans cela à Bouvard et Pécuchet en le lisant. Il y aurait peut-être aussi un peu de Perec. Touchant et drôle.