De la torpedo et du charisme : usage raisonné du burlesque médical
*Knock, knock, knock*
- Qui va là ?
- La médecine moderne monsieur !
Qu'est-ce qui nous définit comme bien portant ? Le fait que nous croyons nous sentir en pleine forme ? La médecine moderne pourtant à force d'analyse trouvera cependant toujours en nous une maladie même bénigne ou à l'état latent. Mais dans Knock qui est malade finalement ? C'est ce petit village, c'est Parpalaid, c'est Knock, c'est le monde en règle général, monde dont ce fabuleux docteur prend le contrôle en une croisade dont je suis le spectateur heureux et bénévole.
L'introduction ne date pas de la saint Michel, elle nous met directement dans le ton, plante les premiers personnages caractéristiques, délectables et nous rafraichit déjà par les pétarades et les errances volubiles de la torpédo, les descriptions poétiques du paysage et des habitants de saint Maurice qu'elle provoque. Nous arriverons en effet bientôt dans ce charmant village somme toute banal, un peu rustique peut-être mais qui a des prétentions bourgeoises, le terrain idéal pour celui qui déjà petit lisait les modes d'emploi médicaux, se fait médecin par vocation et aurait pu faire fortune dans le commerce de l'arachide !
Il bouscule l'apparente tranquillité de l'endroit et des habitudes, il veut dispenser la médecine à tous et pour tous : les habitants auront tôt fait de succomber aux vengeurs diagnostics, à cette forme d'absurde raisonnable, à cette volonté de fer qui se joue par passion et habilité des carcans sociaux et psychologiques de ses patients !
Knock c'est la jouissance de l'impertinence haut de gamme qui ne se chuchote pas dans le dos des gens mais se clame au front des impertinents, avec une allure en diable de vérité, qui face à la science refusent de faire preuve de foi. Les dialogues, les situations et la réflexion forment un ensemble dont je me repais sans satiété et avec un plaisir toujours renouvelé.
La précision des didascalies permet aux malheureux qui ne l'ont pas vu sur scène d'entrapercevoir un potentiel comique magnifié et déjà d'imaginer le regard sévère, la lumière médicale, le faisceau de Türke, les chatouillis, le grand tour du tambour de ville et le prix des cochons : un ensemble de détails qui sont autant d'occasion de sourire, de profiter d'une richesse mise au service de la scène, suggérant tout ce qui n'est pas montré ou dit !
Knock est donc bien une satire, avant tout celle de l'homme plutôt que celle de la médecine, puisqu'ici la caricature et la dérision sont nos guides de voyages tout en nous conduisant délicatement vers la porte de la réflexion et du grandiose.
Cette fin savoureuse bien qu'un peu plus amère est propice aux grandes déclarations appuyés par des silences qui confèrent une force au discours, celui du bilan victorieux et réaliste de la bataille pour la pénétration médicale, l'opposition à cette provocante existence d'un "être ni chair ni poisson que vous appelez un homme bien portant".
C'est en tout cas une lecture ou une interprétation d'anthologie qui contre l'air sévère que la vie nous propose de porter pour seconde peau est un remède salutaire jusqu'ici sans beaucoup d'équivalents littéraires !
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