Knockemstiff.
Le nom claque sec comme un coup de cravache.
Dans cette bourgade typique de l'Amérique profonde, perdue au fin fond de l'Ohio, dans un coin paumé où même Dieu ne retrouverait pas son trou du cul, on sait ce qu'il en coûte de vivre. Alors, on boit un coup pour oublier. À vrai dire, on passe son temps à boire, quand on ne cogne pas sur ses voisins, sur ses enfants, sur sa femme et sur le type passant par hasard (rayez les mentions inutiles ou pas). Sans parler des diverses substances stupéfiantes circulant illégalement et dont la liste filerait dare-dare une grippe intestinale à une armoire à pharmacie.
Le samedi soir, on y fréquente le drive-in en famille, la bouteille à portée de main, le poing prêt à cogner. La jeunesse y tue le temps en cuvant son alcool ou son bad trip. À l'occasion, tout cela se termine sur la banquette arrière crasseuse d'une voiture à jouer à la bête à deux dos.
Résumer l'ouvrage de Donald Ray Pollock reviendrait à dresser une longue liste de faits sordides. Le quotidien des habitants du Val, un ramassis d'hillbillies, autrement dit de ploucs, consanguins, alcooliques et violents...

Passé inaperçu lors de sa parution en France, Knockemstiff rappelle aux éventuels étourdis que la réalité est bien souvent plus tordue que la fiction.
Avec ce recueil, je découvre Donald Ray Pollock, nouvelle voix de la littérature américaine, dont le roman Le Diable, tout le temps a fait depuis quelque peu sensation dans les milieux bien informés. Un prolo comme l'Amérique en compte de nombreux, ce qui ne l'a pas empêché d'étudier, puis de prendre la plume.
En lisant Pollock, j'ai immédiatement pensé à l'univers de Daniel Woodrell. Puis les noms de Éric Miles Williamson et de Chuck Palahniuk me sont venus à l'esprit. Williamson pour la gouaille et le style ravageur. Le festival de la couille (Stranger than Fiction) de Palahniuk pour la collection de tarés dont on suit les turpitudes authentiques. On a connu pire comme parallèle...

En rassemblant cette collection d'instantanées, Donald Ray Pollock n'invente rien. Il témoigne de souvenirs, de faits sans doute réels, ou du moins auxquels il a assisté. De cette succession de courts récits, narré à hauteur d'hommes, mais du genre fin de race déjantée, il tire un portrait de l'Amérique des white trash. Il en dessine les contours, une géographie intime très éloignée des réussites du rêve américain, et pourtant pas moins emblématique de ce pays.

Sûr que l'étape vaut le détour.
leleul
8
Écrit par

Créée

le 12 avr. 2013

Critique lue 915 fois

9 j'aime

1 commentaire

leleul

Écrit par

Critique lue 915 fois

9
1

D'autres avis sur Knockemstiff

Knockemstiff
jerome60
8

Critique de Knockemstiff par jerome60

Donald Ray Pollock m’avait littéralement troué le c.. l’an dernier avec son premier roman, Le diable tout le temps. Une énorme claque à laquelle je ne m’attendais pas du tout. A la fois totalement...

le 25 mars 2013

6 j'aime

Knockemstiff
david7788
7

Avis "Knockemstiff" de Donald Ray Pollock

J'avais lu auparavant "Le Diable tout le temps" que j'avais littéralement adoré. J'aimais le style, le ton, les personnages, les descriptions... bref j'avais été conquis. Je réitère l'expérience avec...

le 15 août 2018

2 j'aime

Knockemstiff
Thierry_Donadil
10

lumineux

Tout simplement un des meilleurs recueils de nouvelles que j'ai lu. Toutes étranges, dérangeantes (comme ses romans). On s'y sent bien tout de même.Une autre Amérique, par un petit génie de la...

le 23 déc. 2023

Du même critique

Knockemstiff
leleul
8

Critique de Knockemstiff par leleul

Knockemstiff. Le nom claque sec comme un coup de cravache. Dans cette bourgade typique de l'Amérique profonde, perdue au fin fond de l'Ohio, dans un coin paumé où même Dieu ne retrouverait pas son...

le 12 avr. 2013

9 j'aime

1

Gueule de Truie
leleul
2

Critique de Gueule de Truie par leleul

L'espoir fait vivre dit-on. On a envie de le croire, même si cet espoir fait plus souvent mourir comme en témoignent les nombreuses idéologies et croyances prônant un monde meilleur. Et si le...

le 27 févr. 2013

8 j'aime

1

Efroyabl ange1
leleul
9

Critique de Efroyabl ange1 par leleul

La mort récente de Iain M. Banks m’a beaucoup attristé. Par un hasard tragique, elle coïncide à peu de choses près avec la parution dans l’Hexagone de Feersum endjinn, roman intraduisible aux dires...

le 25 juin 2013

7 j'aime