Recueil de textes divers ayant pour thème central un de mes cinéastes japonais préférés : Kôji Wakamatsu. La plupart sont de Kôji Wakamatsu lui-même et ce sont sûrement les plus intéressants.

Son écriture me plaît énormément : elle est directe, très franche, une fluidité orale, moderne. Surtout, elle laisse formidablement bien transpirer la révolte, la colère qui bout sans cesse chez cet artiste. Le titre du bouquin met en exergue cette caractéristique majeure chez cet auteur.

Le premier texte proposé a été écrit par Jean-Baptiste Thoret que j'aime beaucoup écouter dans « Mauvais genre » sur France Culture, émission juteuse à souhait que je ne saurais trop vous conseiller de podcaster. Malheureusement, son style ébouriffé à la radio passe très mal à l'écrit. Du moins sur ce texte que j'ai éprouvé avec difficulté. Les phrases à rallonge, pleines de notions complexes se répercutant, s'entrechoquant m'ont un peu perdu par moments. Si bien qu'à la fin je n'aurais su résumer la pensée ou le sentiment de l'auteur. C'est un type très intéressant, très cultivé, à tel point qu'il oublie parfois de préciser sa pensée s'imaginant sûrement que son lecteur sait à quoi il fait allusion. N'ayant fait de la philosophie qu'une année en terminale, l'aspect deleuzien du cinéma de Kôji Wakamatsu m'échappe encore. C'est le problème de Thoret, une pédagogie à revoir.

Le second texte ressemble dans le style à celui de Kôji Wakamatsu. Il est signé par son copain Nagisa Ôshima. Laudatif, le texte est néanmoins une source d'information extérieure intéressante sur Kôji Wakamatsu. Le style est très vivant, naturel, agréable à lire.

Le livre se termine par des entretiens entre Kôji Wakamatsu et le critique Go Hirasawa qui reprennent en grande partie les éléments biographiques déjà abordés dans les pages précédentes. Une redite un peu redondante, mais sous la forme de la discussion, cela passe.

Non, le gras de l'ouvrage se trouve dans les articles ou analyses que Kôji Wakamatsu a publiés dans divers journaux, sur le pinku eiga, sur certains de ses films, sur sa vision du cinéma, de l'art mais également et c'est très loin d'être anecdotique, sur sa vie politique intense. Tous ces textes sont l'occasion de découvrir ce qui s'exprime avec plus ou moins de sous-entendu dans ses films : une rage contre la société libérale, de consommation, contre la modernité, le capitalisme, les tabous, contre la morale sexuelle, le communisme, la bourgeoisie, l'argent, etc.

Et on comprend mieux d'où vient l'extrémisme du bonhomme, flirtant avec la pègre (il fut un temps yakuza), avec le terrorisme (anticapitaliste, pro-palestinien). On sent bien comment le petit paysan complexé a développé en lui ce refus de l'injustice, jusqu'à en être écorché.

Malgré cet aspect a priori hétéroclite formel, l'ouvrage réussit à démontrer comment et pourquoi Kôji Wakamatsu est devenu ce cinéaste volontaire et comment il a su bien mettre en valeur des idées et une colère politique par le biais du cinéma érotique populaire japonais, le "roman porno".

Maintenant qu'il est mort, il n'y a plus qu'à espérer qu'un auteur nous ponde une biographie en bonne et due forme, avec un regard extérieur et sans concession.
Alligator
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le 17 déc. 2013

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Alligator

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D'autres avis sur Koji Wakamatsu, cinéaste de la révolte

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