Lorsqu'on n'a pas la même conception de la justice que son auteur, ce livre est une épreuve. Lire Badinter fanfaronner d'avoir aboli la seule peine que méritent les pires criminels est politiquement agaçant. Pour autant, son récit très factuel permet de mieux saisir comment on peut mener avec succès une campagne idéologique de longue haleine, liée au destin d'un homme visiblement passionné par sa cause.
À une ou deux reprises, Badinter évoque « le sentiment étrange de s'enfuir » qui s'empare de lui à chaque fois qu'il quitte un procès où la peine de mort n'a pas été prononcée. Lorsqu'au cours du récit je faisais une pause pour rechercher sur internet le destin des salauds qu'il a sauvé, j'ai compris pourquoi. Tel tueur d'enfants s'est fait reprendre dans le trafic de drogue. Tel tueur de policiers a pu écrire une thèse alors que sa vie même est une insulte aux familles des victimes. J'espère que Badinter gardera longtemps le sentiment d'être un fuyard ayant accompli son forfait.