Le départ du soleil m’ôte toujours un peu de joie et je ne suis pas très étonnée de constater que mes mois d’hiver sont toujours un retour à la littérature russe, seule capable de m’émerveiller devant un peu de gel et beaucoup de neige. C’est ainsi que je réchauffe mes hivers ; au froid des Tolstoï, Pouchkine et Dostoïevski.
Cela dit, cette année, je me suis plongée dans cette génération maudite d’auteurs russes qui ont dû fuir le pays lors du siècle dernier. Nina Berberova en fait partie. Même si je comptais la rencontrer depuis un moment, je n’avais pas prévu de commencer par l’accompagnatrice qui m’est un peu tombé dessus à la coïncidence d’une boite à livre.
A mon étonnement, ce si petit livre m’a fait un grand effet. Il a réussi à supplanter la coutume indifférence que j’éprouve pour ce format à la limite de la nouvelle. Mais alors … qu’a-t-il eu de plus ?
Certes, c’est bien écrit et certes, le scénario emballe. L’histoire d’une femme incapable de se voir, qui ne se croit rien, qui ne trouve pas de place, qui n’arrive pas à devenir actrice de la vie. L’histoire d’une admiration sans borne qui oscille entre amour et haine.
Mais des bons textes avec une bonne histoire, on en trouve à tous les coins de librairies. Cela ne justifie pas qu’il s’installe confortablement au coin de mes pensées.
J’ai trouvé la réponse un soir que je marchais sur les bords de Seine et où mon esprit était transporté vers des souvenirs lointains de vacances à la mer. Tous les soirs, nous mangions une glace en nous promenions vers le port. Et chaque soir, j’attendais impatiemment de me trouver à côté de ce bateau vert qui avait mon affection d’enfant puisqu’il avait le mérite de porter mon prénom. Un jour sans crier gare, je trouvais l’emplacement vide. Cette absence me fit un grand effet car elle signifiait bien plus que sa présence. J’imaginais mon cher voilier affrontant les vagues et vivant la grande aventure.
Vous ne voyez pas où je veux en venir ? Et bien, c’est simple. Ce qui est merveilleux dans l’accompagnatrice, ce ne sont pas les 100 pages écrites mais les 200 autres qui ne le sont pas. C’est tout ce que nous savons sans l’avoir lu. C’est la suggestion.