L'Adolescent est l'avant dernier roman de Dostoeivski après les Possédés et avant son tout dernier, Les Frères Karamazov. Ce qui frappe d'entrée de jeu à la lecture de ce roman, c'est qu'il est écrit de manière très différente des autres romans de Dostoeievski. On a l'impression de lire un roman de jeunesse, un roman qu'il aurait écrit dans sa jeunesse et qu'il aurait finalement renoncé à publier pour de nombreuses raisons littéraires qui sont autant de défauts de cette œuvre, mais qu'il aurait finalement remaniée dans les dernières années de sa vie et décidé finalement de publier. L'autre point important, c'est qu'il contient de nombreuses similarités avec les autres œuvres de Dostoievski, et en particulier avec Les Frères Karamazov. On pourrait même dire plus : on peut considérer L'Adolescent comme un brouillon, comme une version préparatoire/ratée des Frères Karamazov.
Ainsi, d'une certaine manière, Dostoievski réussit son pari : on a bien l'impression de lire un livre écrit par un adolescent tant les idées sont confuses, le style agaçant, ayant tant de défauts qu'il est difficile de tous les énumérer. À moins que ce soit le fruit d'un esprit devenu malade/ sénile à la fin de sa vie, mais Dostoievski n'est pourtant pas mort si vieux ... Cet adolescent, néanmoins, a 21 ans, donc il n'a en effet rien d'un adolescent. On le qualifierait aujourd'hui plutôt d'adulescent, et si on veut lire un livre, comme moi, sur l'adolescence, on risque d'être fort déçu. Car à presque aucun moment dans le livre, il n'est question d'adolescence.
De quoi est-il question dans le livre, et que s'y passe-t-il ? Je vais le dire franchement : presque rien. Comme dans la plupart, sinon tous, les romans de l'auteur, nous avons des personnages qui se rendent chez les uns puis chez les autres, discutent (de manière souvent très oiseuse), se disputent (pour des choses assez confuses) puis se rendent chez d'autres personnes, font ripaille de boissons et de mets qui ne vont généralement pas ensemble, mais ça ne semble pas être leur souci : ce sont des Russes !
Ça se sent peut-être dans ce début de critique, mais je suis déçu par ce livre, et c'est le plus mauvais de l'auteur que j'ai lu jusqu'à présent. Cependant, comme je l'ai dit au début, on retrouve de nombreux éléments de son œuvre, et ce livre sera intéressant dans les études dostoievskiennes. Mais autrement, il lassera le lecteur qui aura du mal à parvenir jusqu'à la fin. Je vais donc, en guise de conclusion parler des points communs entre cet Adolescent et Les Frères Karamazov.
Le narrateur, Arkadi Makarovitch Dolgorouki, l'adolescent est clairement le portrait, le double de l'auteur lui-même, Dostoievski. Il dit vouloir livrer une confession de lui sans concession à la manière de Rousseau : sans se montrer sous un jour favorable, et même l'inverse, car il se montre grandiloquent, mégalomaniaque, égocentrique, etc.
Comme dans LFK, Arkadi est le fils batard d'un noble (Versilov) avec une domestique (Sonia dans mon livre Sofia dans wikipedia). Les explications des liens de parenté sont si confus dans le livre qu'il est très difficile de s'y retrouver. Comme dans LFK Versilov a eu des enfants avec de nombreuses femmes et Arkadi a deux sœurs : une sœur entière Liza(veta) et une demi sœur, Anna Andréeva fille de Versilov avec son épouse légitime. Ainsi, ce narrateur de l'Adolescent fait plus penser dans LFK à Smerdiakov qu'à Alioucha. L'autre point important, bien sûr, c'est que comme dans LFK le fils et le père sont amoureux de la même femme : Katarina (Katia) Nikolaevna dans l'Ado, alors que dans LFK c'est le père Fiodor Pavlovitch et son fils Dimitri Fiodorovitch qui aiment la même femme, Grouchenka, une demi-mondaine. Quant au personnage du starets Zosime, il est incarné dans l'Ado par Makar Ivanov, le père légal du narrateur. Enfin, alors que dans LFK le "MacGuffin" était cousu dans la poche de Dimitri (sous forme d'une enveloppe avec des billets), celui de cet Ado est une lettre "compromettante" - bien que je n'ai jamais trop compris en quoi elle était compromettante - cousue dans la poche du narrateur. Des MacGuffins tous relatifs, car on ne comprend finalement pas bien les motifs des actions - fort limitées des personnages - qui dans leurs conversations passent leur temps à enculer des mouches.
On trouvera quelques passages où le narrateur va jouer de l'argent qui rappellera bien sur Le joueur à ceux qui l'ont lu, et qui sont peut-être les seuls passages un peu palpitants du livre, quant à moi, c'est la scène de la pendaison qui est sans doute la seule qui m'a fait sortir quelques émotions autre que l'ennui et l'agacement. Ce n'est que là que j'ai pu sentir un peu de la subtilité contenue dans l'Idiot qui est certainement le meilleur livre que j'ai lu jusqu'à présent de l'auteur.