Il y a les livres qu'on croise, par hasard, dans les librairies entre deux cartons non encore déballés et ceux qu'on cherche depuis une éternité. Longtemps je me suis arrêté à ces deux types de rencontres. Et puis, parfois, un ami vous parle d'un auteur qu'il aime et d'un ouvrage qu'on sait ne pas être si courant que cela en France. Alors une quête commence et la récompense est si merveilleuse qu'elle ne souffre aucune attente.
Cet ami, auteur et illustrateur lui-même, alors que j'évoquais le cycle du « Trône de Fer » de George R. R. Martin, m'interrompit en me parlant de l'objet : « Muerte de la luz » tel était son titre en Espagne. Il avait côtoyé George R. R. Martin alors qu'il devait illustrer un de ses ouvrages et m'a expliqué qu'il s'agissait d'une œuvre incroyable au-delà de ce qu'on perçoit dans son très célèbre « Trône de Fer ». « L'agonie de la lumière » en français est effectivement une œuvre de science-fiction à part dans le genre car, bien qu'écrit dans les années 80, il renoue avec les origines de la science-fiction. Il n'en fait pas une transposition du monde et des problématiques qui s'y posent, voire comme objet de contestation comme cela se pratique couramment de nos jours.
Non, George R. R. Martin y parle d'humanité et de sentiments humains. De civilisations et de communication aussi. Cela aurait pu être écrit sur le mode de la littérature blanche comme l'affectionnent les salons littéraires des intellectuels sevrés au parisianisme pédant qui ont détournés tant de gens de la vraie culture. George R. R. Martin, l'américain, l'homme amoureux de la terre et des lacs, a choisi le mode de la science-fiction et en a fait un véritable chef d'œuvre. Je crois qu'il s'agit de son premier roman, écrit en 1977 alors qu'il avait 29 ans.
Imaginez Worlorn. Une planète à la trajectoire étrange qui l'amène régulièrement dans les systèmes peuplés d'humains puis la renvoie aux confins des étendues glacées de l'univers. Lors de son passage parmi les hommes, dans le système de Satan - le soleil géant entouré de ses six petits soleil-enfants, les civilisations humaines s'y implantent et amènent villes, plantes, animaux et cultures avec l'envie de partager cette humanité qui les rassemble lors d'un Festival, avant que l'espace ne reprenne Worlorn pour quelques milliers d'années.
L'action se déroule après le Festival alors que Worlorn est sur son déclin, que la plupart des hommes sont partis, que les villes se fissurent et que les créatures et plantes qui restent commence à lutter pour leur survie. Seule une poignée d'hommes sont restés, des Kavalars. Ils aiment la chasse et ne répugnent pas à tuer les humains qui vivent encore sur Worlorn pour peu qu'ils ne soient pas protégés par un de leur clan. Dirk T'larien est bien loin de tout cela quand il reçoit un joyau très particulier qui lui annonce que son amour Gwen est sur cette planète, épouse d'un de ces Kavalars qu'elle souhaite fuir.
Pour Dirk, cela va être l'occasion de la découverte d'une planète, d'autres créatures et de cultures humaines bien différentes de la sienne mais, qui pour barbares qu'elles puissent paraître, n'en seront pas pour autant détestables. Trahison, passion et aventure sont les maîtres-mot de ce roman dépaysant. Une formidable chasse à l'homme les amènera à plonger au cœur de leurs sentiments et à découvrir la vérité quant à leur présence sur ce monde. Une superbe aventure qui est aussi celle de notre humanité que nous sacrifions aussi au mythe du progrès tout en méprisant l'autre parce qu'il nous est différent. Les vraies valeurs sont ailleurs. Prodigieux.
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