Pauvre Aiglon, pauvre Aiglon qui meurt par sa santé déplorable et par sa folie.
Oui, l'Aiglon est fou, "Pourquoi donc?" me dirait-on d'un air circonspect. L'Aiglon est fou de par son obsession du passé, pas de chance il est le fils d'un grand, et de sa reconstitution des batailles avec ses soldats de bois jusqu'à ses hallucinations abominables sur la plaine de Wagram, l'Histoire, la grande Histoire le hante.
Il y a quelque chose de tragique accroché à ce jeune homme car il ne peut s'émanciper de ce passé, quand on parle de lui on pense à son père, quand il parle il pense à son père, son père, toujours son père. Ainsi, ce n'est pas que de la faute de l'Aiglon; tout d'abord à Metternich qui l'a cloîtré par peur d'une résurrection de son père; ensuite aux personnes liés au complot, à sa cousine polonaise, à Flambeau, qui posent sur lui l'espoir d'un nouvel empire.
Quel grand fantasme que la résurrection d'un règne passé.
De plus le fantasme est encore plus saillant quand on sait que son empire ne se fera jamais. Il est encore plus fou quand on entend son idéal: un Empire libéral.
L'Aiglon représente à merveille cette génération de romantiques qui voulait tout et qui croyait ne rien avoir vécu, obsédés par la révolution et l'épopée napoléonienne.
De ces diverses remarques apparaît un des défauts de la pièce, une impression de surplace, la pièce peine à démarrer car elle narre le passé à diverses reprises, on pourra comprendre les lecteurs qui arrêteront la lecture dépassés par les multiples références de batailles, d'éléments d'uniformes, de personnages illustres dont on a maintenant oublié le nom mis à part celui de Napoléon. On voit bien que la pièce a vieillie, mais l'on lis (ou écoute) toujours avec plaisir le vers rostandien.
Enfin bref, concluons, une pièce qui m'est apparu magistrale par son écriture mais tragique par l'Aiglon qui est torturé par un passé qui n'est pas le sien.