Des Lumières à Homère, des étoiles à la mer de la paix à la guerre: le chemin tortueux du lecteur

C'est peu de le dire, j'ai été bluffé et conquis par les 3 premiers tomes de la série Terra Ignota d'Ada Palmer, tant par la richesse de l'univers qu'elle a crée que des ponts qu'elle dressent souvent adroitement entre cette univers et la philosophie des Lumières. Il y avait quelques défaut à mes yeux, notamment dans le 2e tome, mais globalement, j'avais l'impression d'être face à un point d'étape dans la SF, du genre où on se rappellera avec émotions dans quelques années quand on fera une rétrospective du genre.

Mes attentes étaient donc grande face à ce volume, 1ere moitié du dernier tome de cette série (qui comprend donc 4 tomes, donc le dernier est découpé en 2, ce qu est je pense une très bonne idée éditoriale). Et malheureusement, mon expérience de lecture n'a pas vraiment répondu à ces attentes (vous vous en doutiez en voyant ma note!)

Petit rappel, mais si vous êtes là j'imagine que vous avez une vague idée de ce dont il est question dans cet univers ? (ou faites vous partie d'une race de monstre se lançant dans une saga en entrant aléatoirement dans la série?)

Nous sommes donc toujours en 2454, dans un monde où la capacité à se rendre n'importe où sur le globe en quelques minutes rend le concept d'état nation caduque ou presque. Ceci couplé à l'interdiction de parler de religion en groupe (suite à une guerre de religion ayant bien failli détruire l'humanité) a permis une paix durable.

L'humanité est depuis ré-organisé en Ruche, 7 grandes nations non géographique d'humains, que l'on rejoint si l'on se retrouve dans les valeurs portées par la ruche. Chaque ruche à son mode de gouvernement, ses lois et son système juridique. On peut aussi ne rejoindre aucune ruche et devenir un hors ruche, tenu simplement de respecter les 8 lois universelles (hors ruche droit noir) ou ces 8 lois et quelques autres de son choix (hors ruche droit gris ou droit blanc).

ATTENTION SPOIL DES TOMES PRECEDENTS

Après avoir eu une descriptions détaillée du système des ruches, nous comprenions que la paix n'était pas si naturelle, mais permise par un système d’assassinats complexes, agissant par effet domino (on tue untel, ce qui bouleverse tel ruche, ce qui évite tel événement et repousse la perspective d'une guerre).

2 camps se dessine alors : les protecteurs qui veulent réformer le système des ruches mais le maintenir plus ou moins en l'état ; et les recréateurs, qui veulent proposer un nouveau système (sans qu'on sache trop pour l'instant lequel). Ce 2e camps est mené par JEDD Macon, lié dès sa naissance à tous les puissants de ce monde ; et qui pense être (et peut être l'est-il vraiment) une divinité d'un autre plan, invité par la divinité de notre plan pour observer et comprendre.

Il est accompagné par Bridger, un jeune enfant doté de pouvoirs surnaturels, capable des plus grand miracle, redéfinissant les limites physiques de notre monde. La question de comment gérer cela dans un monde où parler de religion est interdit était assez problématique. Bridger, en prévision de la guerre, s'est sacrifié pour devenir une nouvelle entité, Achille (oui, celui de l’Iliade d’Homère), seul humain de ce monde à avoir connu la guerre et à pouvoir l'expliquer aux autres.

Les premières mèches de la guerre étaient allumés à la fin du tome 3, sans qu'on sache exactement par qui. Mycroft, notre narrateur disparaissait ainsi englouti par les eaux.

FIN DES SPOIL DES 3 PREMIERS TOME

DEBUT SPOIL 4E TOME

Dire que j'ai été déçu serait peu dire. Et en même temps, j'ai l'impression que le roman n'est pas raté, qu'Ada Palmer nous a amené exactement là où elle voulait, de la façon qu'elle voulait.

Je m'explique : alors que nous avions été habitué à un univers où la distance et la communication ne sont pas des problèmes, le système de voiture cesse de fonctionner quasiment en même temps que le système des traceurs/communication. Nous voilà donc confiné avec le nouveau narrateur sur Romanova.

Car oui, Mycroft n'étant plus, c'est le 9e anonyme qui reprend la chronique. Et pendant une bonne moitié de roman, il va nous conter ce qu'il peut, c'est à dire ce qu'il voit, constate, déduit de ce tout petit périmètre, de cette ville, éventuellement de cette île de la Méditéranée où il est, entouré de quelques personnages. Exit la myriade de personnages principaux des 3 premiers tomes, on a quelques second couteau du début de l'histoire qui deviennent notre seul compagnie et donc les héros de ce début de 4e tome. On ne peut que supputer ce que sont devenus les personnages principaux des premiers tomes.

De même, certains chapitres sont des rapport de guerre, de bataille, voir de machines.

D'autres narrateurs viendront prendre le relais, donc un que l'on connaît bien ! C'est là un aspect à saluer du roman, la capacité à passer d'un narrateur à l'autre sans nous prévenir et tout de même parvenir à nous faire comprendre qui parle sans autre indication qu'un style d'écriture qui change (gros coup de chapeau à la traduction aussi, pour ça et bien d'autres choses!).

Autre point qui m'a déçu:exit les Lumières ! Alors oui, c'était parfois lourd dans les premiers tome, un peu de nuance et de modération aurait été appréciable. Mais nous quittons Hobbes et Voltaire, pour remonter à Homère. On a même une réécriture de l'Odysée sur un long chapitre, où un personnage va revivre les aventures d'Ulysse. L'exercice a peut être fait marrer l'autrice, mais j'ai eu du mal à voir ce qu'il apportait vraiment au récit.

C'est ce que je reproche à ce tome, du moins sa 1ere partie. J'ai eu du mal à comprendre ce qu'il apportait vraiment, du mal à voir la patte d'Ada Palmer, son style, son univers...

Alors oui, on est plongé dans l'effroi des personnage : on ne peut aller nulle part sauf sur cette île, on a des nouvelles de personnes donc on s'intéresse à des personnage qu'on avait appercu jusqu'alors dans l'arrière fond. On se met à rêver de voyage. On a du mal à comprendre si cette faction est allié ou ennemie ? Ou les deux ? Ou si elle s'est découpé en 2 sous factions ? Peut être est-elle ami sur ce bout du globe mais ennemie mortelle de l'autre côté de la planète ? C'est, d'une certaine façon, très malin.

Mais 1 : était-ce bien utile de nous infliger ça sur une moitié de roman (1 ou 2 chapitres m'aurait suffit à comprendre je crois), et 2 : où est le style un peu ronflant, limite pompeux des premiers tomes ?

Certes, en contraste, la dernière partie, et les premières batailles spatiales sont gonflé de suspens, de bravoure et d'importance. On a aussi des réflexions intéressantes sur comment faire la guerre quand on est censé être une civilisation qui est sorti de la barbarie, sur le traitement des blessés ou des civils. De même, la petite fenêtre ouverte sur les pays Africains étrangement absent des 1er tome est bien amené (ils ont refusé de participer au système des ruches, ayant déjà vu comment ça se passe quand on leur propose de rentrer dans un ordre mondial dirigé par les européens et les américains, et ayant donc poursuivi leur vie de nations géographique!). Mais je trouve dommage cette construction, et à la relecture quand j'aurais fini, (sauf éclairage qui me fasse changer d'avis), je sais que je survolerai cette 1ere partie du roman sans avoir l'impression de rater grand chose.

FIN DES SPOILS

Cette 1ere partie du 4e tome est donc une semi réussite pour moi. J'ai l'impression d'avoir compris le projet de l'autrice : nous faire sentir le désarroi et le désespoir de ne perdre les outils de communication, ressentir la cruelle distance qu'on pensait aboli grâce à la technologie ; ressentir la solitude et l'ambivalence des amitiés qui changent selon le moment et le lieu de la planète. Mais pour ce faire, elle se débarrasse de son style en grande partie et nous perd. Je n'ai rien contre les lectures qui malmènent, mais ici je n'ai pas vu l’intérêt ni le sens de me faire subir cela.

Fort heureusement, la 2e moitié du roman nous remet dans le grand tourbillon planétaire (et même spatiale) avec la grandiloquence maitrisée de l'autrice, et me poussera à aller avec plaisir et même impatience vers le final de cette saga, qui garde encore son ambition dans mon cœur et ma bibliothèque de marquer un tournant dans l'histoire de la SF.

En route vers les étoiles donc (à moins que la destination finale soit tout autre?)

Homegas
6
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le 1 oct. 2023

Critique lue 15 fois

Homegas

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