C'est par cette nouvelle extraite du recueil "Nouvelles exemplaires" que je fais la connaissance de Miguel de Cervantes, le père du célèbre Don Quichotte.

L'histoire est simple et semble emboîter le pas aux tragédies shakespeariennes : Ricardo, un bel Italien au tempérament passionné, est depuis toujours violemment épris de Leonisa, une jeune femme auprès de laquelle il a grandi et qui réunit à elle seule toutes les grâces, les vertus, les qualités et les talents que les autres femmes doivent d'ordinaire parcimonieusement partager entre elles.

Fort de ses sentiments, Ricardo n'a visiblement jamais douté qu'à l'heure où l'Amour frapperait à la porte de leurs coeurs, sa belle amie tomberait naturellement et sans effort dans ses bras virils. Or, un autre soupirant, quoique moins empressé, semble prendre auprès de Leonisa la place tant convoitée par Ricardo. Le sang de ce dernier ne fait qu'un tour et alors que rien ne laisse encore supposer un amour partagé entre Leonisa et son galant, notre bouillonnant Italien va provoquer un scandale en public. Or, au même instant, coïncidence ou Providence, voilà que des Turcs débarquent (littéralement puisqu'ils viennent d'accoster) et enlèvent Leonisa et Ricardo, séparant les prisonniers...

Vient une tempête, le navire qui emmène sa dulcinée loin de Ricardo se brise sur les rochers, laissant peu d'espoir quant aux chances de survie des passagers...

Voilà, vous n'en saurez pas plus, mon synopsis deviendrait alors un spoiler et ça, non, non, non, je m'y refuse, ce ne serait pas bien du tout !

Nous sommes au début du 17ème siècle, ce qui signifie que pour le style, ne vous attendez à rien de "fluide" (clin d'oeil appuyé aux initiés).

Pour ce qui est des personnages et bien, que dire ?
A cette époque, il devait vraiment être merveilleux pour une femme (noble, cela va sans dire) d'être adulée, adorée, vénérée... car non seulement les hommes de ce récit semblent prêts à toutes les extrémités pour obtenir une faveur de leur belle (et attention, je ne parle pas d'une nuit d'amour, je ne parle pas non plus d'un baiser, je ne parle même pas d'une caresse sur la main du bout de l'index... non, je veux bien sûr parler d'un dixième de regard !) mais, de plus, ils témoignent dans leur affection d'une ténacité, d'une ferveur, d'une foi et d'une abnégation véritablement extraordinaires. J'avoue que je n'étais plus habituée à cette intensité idéalisée dans l'amour porté à une héroïne et pourtant, c'est bien un auteur espagnol du 17ème siècle qui me rafraîchit la mémoire !

Les figures masculines, Ricardo et son ami Mahamoud qui le secourt, sont très énergiques, attachantes, volontaires et le lecteur se prend d'affection pour eux et a envie que leurs entreprises réussissent. Tout va très vite dans cette nouvelle bien qu'il se passe bien des choses : amour, tempête, rapt, batailles navales, voyages et même des pirates ! Le talent de Cervantes est de réussir à intégrer beaucoup d'humour dans son récit qui se veut pourtant exalté et dramatique.

Mais se prenait-il lui-même vraiment au sérieux ou cherchait-il avant tout à se divertir par un conte ? La fin (la phrase du dénouement) m'en a presque convaincue, sans compter qu'à plusieurs reprises il m'a semblé que l'auteur se moquait gentiment des sentiments de son héros, Ricardo.

En tout cas, la chute réserve une jolie surprise au lecteur qui songeait déjà à classer ce récit d'aventures parmi les tragédies !
Gwen21
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le 28 mai 2013

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