Quel livre !
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La scène d’ouverture fait penser au générique d’ouverture de Gone Girl de David Fincher : un matin calme, un endroit sans histoire et des maisons encore endormies. Mais Thierry, réveillé avant sa femme, se rend compte que des dizaines de policiers lourdement armés encerclent la maison de leurs voisins, Guy et Chantal. Les questions se bousculent : il leur est sûrement arrivé quelque chose de grave. Ou c’est une erreur judiciaire.
Pourtant, plus tard, Thierry apprend par la bouche d’une journaliste venue l’interroger chez lui que son voisin Guy est présumé coupable de l’enlèvement, de la séquestration et du meurtre de huit jeunes filles. Pour Thierry et sa femme Elisabeth, c’est la dégringolade. Du rejet à l’incompréhension, de la prise de conscience à la haine, le couple revoit sans cesse défiler les bons moments partagés avec ces voisins, certes discrets, mais pourtant si sympathiques.
Tiffany Tavernier, qui signe là son deuxième roman après Roissy, tient un sujet en or. Fourniret, Landru, Guy Georges avaient forcément des amis et des connaissances. Lorsque ces dernières ont appris, comment ont-elles réagi ? La proximité géographique, celle des voisins, relie aussi l’histoire à ces voisins que l’on interroge aux lendemains de grandes tragédies meurtrières. « Non, c’était quelqu’un de sympathique, on se saluait mais sans plus. Jamais un mot ou un geste déplacé. » Ils étaient là, à quelques mètres des lieux du crime, mais n’ont rien vu. Le gouffre de la culpabilité les engloutit.
Si le sujet fascine et si les scènes d’ouverture et de fin passionnent, L’Ami déçoit globalement. Le roman de la stupeur et de la stupéfaction se révèle être un véritable page-turner. Mais le développement de la chute et des questionnements de Thierry ne passionne guère. A travers sa quête, Thierry se confronte à sa femme, son fils, son frère, revoit la mort de son meilleur ami, pense à son père soldat durant les guères de décolonisation. Deux passages particulièrement, celui de l’ermite et celui de la copine d’enfance, sortent totalement le lecteur de L’Ami, qui se demande où veut bien aller Tiffany Tavernier. La simplicité de la langue ne permet pas non plus de traduire parfaitement le flux de conscience qui devrait animer un homme venant d’apprendre que son voisin est un criminel (« Je marche sans trop savoir ce que je cherche. Un peu de joie sans doute. »). Il faut peut-être lire le roman comme le portrait d’un homme, Thierry, pétri de doutes et de questionnements déjà là, mais dont la révélation sur son voisin va venir tout bouleverser, et non comme celui de la remise en cause d’une relation de voisinage.
« Je trouve Elisabeth, en larmes, dans le salon. Si ce jour-là, elle n’avait pas franchi les vingt mètres qui séparent nos deux maisons, si elle ne les avait pas invités à prendre l’apéro, sans parler des gâteaux, des gâteaux et des corps dans la forêt, des cris aussi, des bouts de bras et de jambes enterrés quelque part, elle en est sûre. Je la supplie de retrouver son calme. »
Créée
le 23 mai 2021
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