Une introduction percutante à la pensée anarchiste

Ce recueil de textes d'Emma Goldman, grande figure de l'anarchisme et du féminisme du début du XXe siècle, offre une introduction vivante et accessible à la pensée anarchiste. En à peine plus d'une centaine de pages (à laquelle on rajoutera une grosse préface qui permettra de resituer utilement cette figure importante de la pensée politique anarchiste dans son époque), l'auteure aborde des thèmes variés qui restent d'une actualité frappante (leur traitement pas forcément).

Le texte initial, éponyme du titre de l'ouvrage, propose un exposé didactique des fondements historiques et philosophiques de l'anarchisme. Goldman y balaie quelques idées reçues tenaces et présente une vision politique centrée sur l'individu et ses aspirations, tout en fustigeant l'autorité étatique et religieuse. Si elle rejette la violence, elle affirme néanmoins la nécessité d'une révolution.

Particulièrement stimulant, l'essai sur les minorités remet en cause un principe fondamental de nos démocraties libérales. Goldman y dénonce la "majorité compacte" et rend hommage aux minorités, présentées comme le véritable moteur du progrès : "Les minorités ont toujours été les porte-étendard d'une grande idée, de l'effort d'émancipation". Et d''ajouter : "La masse annihile toujours l'individualité, la libre initiative, l'originalité".

Dans "L'individu, la société, l'État", l'auteure s'attaque au principe du contrat social et dénonce l'illégitimité du système étatique, concluant que "L'État est l'ombre de l'homme".

Le texte sur la prostitution frappe par sa modernité. Si le lecteur contemporain n'y apprendra peut-être rien de nouveau, il sera sans doute impressionné par la justesse de l'analyse et l'implacable critique de l'hypocrisie morale bourgeoise.

Enfin, le dernier texte sur la jalousie amoureuse oscille habilement entre psychologie, sociologie et politique. Goldman y tente de démontrer le caractère artificiel de ce sentiment, produit direct de la conception bourgeoise du mariage et de la monogamie.

Ce recueil court et accessible aborde des thématiques variées avec une clarté remarquable. Il constitue une excellente introduction à la pensée anarchiste, ouvrant la voie à des lectures plus approfondies sur le sujet. On peut regretter que certains sujets ne soient qu'effleurés (mais c'est le propre d'un ouvrage de ce format) et que le contexte actuel soit différents de celui du début du XXe, fragilisant quelque peu la démonstration par moment (mais c'est le propre des ecrits centenaires).

La force de ces textes réside dans leur capacité à conjuguer réflexion théorique et ancrage dans les réalités sociales de l'époque. Plus d'un siècle après leur rédaction, ils conservent une étonnante pertinence, témoignant de la perspicacité d'Emma Goldman et de l'actualité persistante des questionnements anarchistes, quand bien même certains progrès sociaux de ces dernières décennies permettent de nuancer les réflexions de la militante (pas autant que cela toutefois !).