C’est l’histoire de Valdas, qui traverse la première moitié du XXè siècle. Elle commence avec son adolescence dans la bourgeoisie russe des années 1910, vite troublée par les déchirements de la guerre civile… L’existence du personnage se poursuit, balancée par les flots de l’histoire.
De quoi Valdas souffre-t-il le plus ? Des déceptions amoureuses qui finissent toujours par le laisser seul ? De l’exil auquel il a dû se résoudre et qui le rend éternellement étranger ?
Le temps passe, le monde change, une seconde guerre se profile mais lui demeure. Il vit encore au rythme de l’ancien calendrier, deux semaines de retard, seulement, mais qui semblent lui avoir donné de la hauteur – au moins de la distance – sur les réalités de son époque.
L’histoire aurait pu être intéressante mais Makine arrête son travail là où il aurait dû commencer. Elle n’est pas dénuée de poésie mais l’auteur ne va pas jusqu’au bout. En témoignent ses récurrents guillemets qui tombent comme autant de défaites face à la tâche de décrire le réel.
Là où l’on aimerait s’engouffrer derrière l’auteur pour comprendre la réalité (dans sa simplicité, parfois banale, mais jamais inintéressante), il coupe court à notre élan. Quand on s’apprête à saisir quelque chose de la souffrance humaine devant une nouvelle déception de Valdas, Makine met fin à l’expérience par une phrase inachevée : Valdas rêvait d’une belle mort, […] s’effondrant de honte, ses yeux « célestes » inondés de larmes… (p.91) Ses yeux « célestes »… Et l’auteur continue comme s’il avait tout dit. Mais c’est justement dans l’explicitation de tout ce qui se trouve derrière ce « céleste » que la littérature tire sa raison d’être. Et Makine renonce ici à l’œuvre d’art – qui consiste à faire voir – en s’arrêtant à la surface…
Les exemples de ce genre parsèment tout le livre. Makine voit dans l’usage des guillemets une précaution (p. 182). Ils ne sont en fait que résignation devant la profondeur du réel qu’on n’a pas su exprimer.
L’inachevé. C’est peut-être ce que masque la concision de ce roman. L’auteur renonce au pire moment à l’objet qu’il s’était donné comme écrivain : dire, donner à voir par les mots… Il ne reste qu’un semblant de poésie, qui pèche par sa superficialité.
Lâcheté peut-être, qui fait penser à celle du jeune Valdas qui renonçait à s’engouffrer dans les bas-fonds ? Ou seulement manque d’approfondissement d’une œuvre qui eut pu être grande ? Sans doute faut-il se plonger plus profondément dans l’œuvre de Makine dont on espère que L’ancien calendrier d’un amour n’est qu’un pâle reflet.