J’ai vraiment beaucoup aimé ce roman. Facile à lire, captivant et très bien écrit, il entraîne le lecteur jusqu’aux méandres profonds de cette société patriarcale archaïque. Les femmes sont enfermées dans un carcan de superstitions et le pêché d’Ève retombe sur elles toutes. Les hommes font d’elles des objets, des « juments poulinières », les effrayant et les asservissant. Pire encore, ces messieurs, ayant du mal à contenir leurs pulsions sexuelles, exilent les jeunes femmes de seize ans sous prétexte qu’à cet âge elles possèdent une magie corruptrice identique à celle d’Ève. L’objectif de l’année de grâce est donc de les purger de cette magie pour en faire des épouses dociles.
A l’opposé, l’année de grâce est posé sous le règne de la sauvagerie et de la bestialité : les jeunes femmes régressent et tombent, bon gré mal gré, dans une forme de primitivisme total. Si certaines s’y laissent aller volontairement, mues par leurs croyances et leurs superstitions, omniprésentes lors de cet exil, d’autres tentent de lutter avant de sombrer. C’est évidemment le cas pour notre héroïne.
Forte et indépendante, organisée et débrouillarde, Tierney va tenter de mettre en pratique ce que son père lui avait appris lorsqu’elle était petite pour survivre. Depuis longtemps, Tierney se pose de nombreuses questions sur le fonctionnement de leur comté. Elle a déjà découvert beaucoup de secrets, répugnants pour la plupart et en découvrira d’autres plus effrayants encore. Il est évident que le lecteur s’attache à ce personnage qui se distingue de la masse et qui tente de survivre face à la sauvagerie qui s’empare peu à peu de ses compagnes. L’être humain est toujours en quête d’une liberté profonde et c’est ce que Tierney cherche à obtenir faisant d’elle un personnage auquel le lecteur peut et va s’identifier.
Au-delà de la quête de liberté, notre héroïne veut le changement. D’abord pour elle, puis elle va progressivement le souhaiter pour ses compagnes et enfin pour toutes les femmes de son comté. Mais pour obtenir un tel changement, elle ne peut agir seule. Et il m’a semblé qu’il s’agissait d’un des grands messages véhiculé par ce texte : pour changement de mœurs, de mentalité, ce n’est pas seulement un petit pourcentage de la population qui doit agir, ce ne sont pas seulement les femmes qui doivent montrer le chemin, mais tout le monde : hommes et femmes. Au-delà, de savoir si tôt ou tard elle trouvera du soutient, Tierney va devoir faire des choix faire face ou fuir, lutter ou accepter.
Ce roman invite à la réflexion. A l’instar de Tierney, on se pose de nombreuses questions : est-ce que les hommes ont tout inventé ? Les braconniers existent-ils vraiment ? Que se passe-t-il durant l’année de grâce ? Le lecteur doute des vérités instaurées et cela permet une incursion encore plus profonde dans le texte. Ce dernier nous offre plusieurs visions philosophiques telles que l’Homme est un loup pour l’Homme : dès que les jeunes femmes prennent possession du camp, la régression vers l’animalité qui sommeillait en elles se fait les faisant tomber dans une forme de déchéance violente. Cela nous permet de nous interroger : qu’est-ce qui fait de nous des êtres humains ?
En bref, un roman captivant qui nous immerge totalement dans son univers en sollicitant de nombreuses émotions chez son lecteur. Je vous le recommande vivement, il est vraiment génial, je l’ai dévoré en moins de deux jours ! A lire sans hésiter donc ! Bonne lecture !