En ces temps plutôt apocalyptiques - et après le scandale des JO à ce sujet -, j'ai entendu beaucoup de références à propos de ce livre. Je m'y suis donc intéressé, bien que je ne lise presque jamais ce genre d'ouvrage.
Ce qu'on remarque assez vite, c'est que son auteur (Jean l'apôtre ou bien un autre, on ne sait pas) est très croyant (logique) et qu'il fait sans doute partie de l'Eglise elle-même. Le vocabulaire et les tournures de phrases (encore utilisées aujourd'hui) en attestent très clairement.
Cette personne (une ou plusieurs?) est visiblement très éduquée, intelligente, a le verbe développé et possède une grande érudition. Le style est un peu vieillot (normal vu l'âge du bouquin) mais l'ensemble est bien écrit.
Ce livre me semble avoir, au départ, un public bien précis et non pas l'ensemble de l'Humanité. Après avoir rapidement lu des commentaires d'auteurs à propos de la première partie - qui expliquent rapidement et très bien les sept églises et les reproches qui leur sont faits -, je ne peux qu'être d'accord.
Cette partie n'est pas facile à comprendre car elle nécessite une connaissance prononcée de l'histoire religieuse, de ses différents courants et du contexte qui a mené à ces "Lettres des anges aux sept églises". Elle mêle à la fois reproches et explications, conseils et demandes de repentir...et menaces - du genre "si tu ne rentres pas dans le droit chemin Dieu va venir te botter le cul" (en plus subtile mais le sens est bien là).
S'en suit une description très détaillée et imagée de la "dimension céleste" autour du trône de Dieu. Avec un tas de créatures incroyables et assez dingues qui chantent ses louanges, des vieux qui se prosternent et Jésus qui y tient une place centrale.
Au moment où une créature "ouvre les festivités" - grâce au fameux livre muni de sept sceaux -, le message de l'auteur me paraît universel et concerner donc la planète entière. C'est effectivement le "jugement divin" qui s'applique à toute l'Humanité, quelle que soit l'origine, la langue ou la croyance. Tout le monde va en prendre pour son grade.
A chaque sceau brisé, la "créature" (dont on ne connaît pas la nature) libère les cavaliers (certains aisément identifiables, d'autres incompréhensibles) qui vont faire une sorte de razzia - dont la Mort qui sort avec l'ensemble des défunts pour...aller tuer des tas de gens - et provoquer des fléaux de nature diverse.
Comme ça ne suffisait pas, ceux qui cèdent à la bête recevront la "fureur de Dieu" et seront tourmentés pour l’éternité. Ca ne donne pas envie d'y être.
A un moment se pointe le diable sous forme de dragon (parfois appelé "le serpent originel") qui lâche aussi tout un tas de saloperies maléfiques qui pervertissent les survivants (ah bon, y'a encore des vivants à ce stade?). D'après ce qui est écrit, ces choses ont le doit d'agir pendant...près de trois ans (je ne me rappelle plus du chiffre exact mais il est sûrement symbolique). Pourquoi faire alors qu'il ne reste presque plus personne? Pourquoi lui donner quartier libre?
Bref, malgré ces malheurs il y a tout de même quelques élus. 144 000 pour être précis. Pas un de plus, pas un de moins (ça aurait pu être 143802). Pourquoi? Mystère. Mais eux non plus ne seront pas tranquilles pendant cette période où sévit la bête qui met leur foi à l'épreuve.
Dans cette course à la démesure, les anges en rajoutent une couche assez gratinée, en versant partout des "coupes de la fureur de Dieu" - qui finissent de supprimer toute trace de vie, soit une extermination massive des êtres vivants. Comme quoi Dieu ne fait pas les choses à moitié; lorsqu'il est furax on ne l'arrête pas. Il n'a rien à envier à nos dictateurs terrestres.
C'est une surenchère de violence plus ou moins gratuite qui, je trouve, n'a aucun sens. Si Dieu veut tuer le mal, il peut le faire en claquant des doigts (si celui-ci en a bien sûr). Les cavaliers ont déjà fait suffisamment de mal comme ça à l'Humanité, alors pourquoi continuer?
Et si tu n'as pas ton non sur la liste divine, tu es déjà mort - et ce ne sera qu'un avant-goût de la suite qui picote encore plus. A ce moment-là, le repentir n'existe plus, pas de seconde chance, juste la mort et la souffrance éternelle. Je ne saisis pas trop pourquoi on parle de "Dieu de miséricorde" compte tenu de la puissance de sa violence et les armes délirantes concoctées pour massacrer des gens en masse. D'ailleurs, ces dernières dépassent de très loin notre technologie, sont très perverses et possèdent un potentiel de destruction inimaginable.
Pendant qu'on en parle, l'ouvrage dit très clairement que le pardon et la repentance n'existent pas car tout a été déjà décidé au moment de la création. Autrement dit, à part un minuscule groupe d'élus, l'immense majorité des gens vont cramer dans les flammes de l'enfer et pour toujours. C'est compliqué de fonder une religion avec des contradictions aussi profondes.
Moins de pitié encore lorsqu'on propose une torture sans fin. Comment peut-on être croyant et être d'accord avec ces notions et programme? Je trouve cela troublant et choquant.
Babylone est maintes fois citée et décrite comme la ville suprême du péché et de la dépravation. Sans doute une référence et trace de la déportation des élites juives dans cette capitale. Pas mal de haine aussi j'ai l'impression - avec recommandation de doubler la fureur de Dieu pour elle seule.
Pas qu'une recommandation en fait. Elle se fait rayer de la carte. L'auteur fait la description d'un massacre indicible et d'une incroyable violence jusqu'à sa destruction complète. Cela va même jusqu'à faire disparaître les montagnes environnantes!
Ce qui me déconcerte le plus, c'est ce fanatisme du camp céleste et des croyants après chaque méfait. Il faudrait louer Dieu et se réjouir de cela. J'ai du mal là...
Après la victoire de l'armée de Dieu, les oiseaux deviennent cannibales et le diable est ramené en enfer...pas pour toujours visiblement, mille ans, avant qu'il ne revienne et qu'on lui permette à nouveau de sévir...
Quoi? Mais ça n'a pas de sens! Vous avez rasé toute une planète, fait souffrir des tas de gens pour...que ça recommence? Je pensais que c'était le "jugement dernier"!
Les morts ne sont pas non plus épargnés. Ceux qui ont été tués par les serviteurs du mal sont ressuscités, immortels et règnent pendant un millénaire (pas mal!). Les autres doivent poireauter tout ce temps pour être jugés. Si ceux-ci n'ont pas leur nom écrit dans le registre divin, ils sont balancés dans un lac de feu. Sympa...
Le cadeau final est plutôt chouette avec la nouvelle Jérusalem descendant du ciel avec Dieu en personne, ville d'or pur et luxueuse (alors qu'on le décrivait auparavant comme un péché ou une vanité). Les "incrédules" n'y ont pourtant pas leur place car ils seront aussi jetés dans le feu. Soit tu crois en Dieu et tu as ton petit confort pendant mille ans, soit tu crames.
La ville ne contient pas d'église ni d'éclairage car, habitée par Dieu et Jésus et rayonne de leur gloire. Il n'y fait jamais nuit et s'y trouve un arbre dont les feuilles guérissent les nations (ça c'est super cool! J'en prendrai un ou deux plants svp!).
Le livre est en soit assez impressionnant, que ce soit par l'inspiration de l'auteur, son imaginaire et les détails qu'il apporte. Mais j'avoue être surpris par le tas d'atrocités décrites sous fond d'adoration de Dieu. Ce qui est proscrit pour l'Humanité semble cependant autorisé voire encouragé par le Ciel.
L'Apocalypse, c'est comme les JO. Tu n'as pas envie d'y être mais on te la refile quand même. Si vous êtes vivants vers la fin des temps, allez habiter sur Pluton, un autre système solaire voire une autre galaxie.
----
Plus de réflexions à ce sujet:
* En lisant plus attentivement cet ouvrage, il me semble clair que le paradis n'existe pas tel quel...ni l'enfer d'ailleurs.
> En effet, le "paradis" dans le sens premier du terme n'est réservé qu'à Dieu, aux anges et aux créatures étranges qui peuplent cet espace. L'Homme n'y a donc pas sa place. Autrement dit, la croyance qu'après notre mort nous serons reçus, si nous avons été bons, dans cet espace - immatériel, sans limite et où tout n'est que bonheur - est fausse.
> L'auteur raconte que les défunts sont stockés dans "le séjour des morts" en attente de l'Apocalyspe et du jugement divin - ce qui fait un paquet de temps avant de connaître sa sentence et de morfler (ou pas). A fortiori lorsqu'on est pas dans le petit carnet de Dieu (définissant les élus) - case "enfer" directement (défini ci-après).
> Si on est élu, on a le droit à cette période du règne de Dieu de 1000 ans et tout ce qu'il offre (déjà évoqué plus haut).
Mais qu'est donc l'enfer? C'est ici une notion assez complexe et peu compréhensible:
> ne pas être choisi par Dieu le jour du Jugement. Ces personnes sont jetées dans un grand lac de feu (pas cool!).
> un élu qui douterait du Créateur ou de ses actions. Autrement dit, être un croyant pur et dur voire fanatique.
> un élu perververti par le diable ou l'un de ses serviteurs (par exemple la Prostituée de Babylone). Une diable qui sème la zizanie, par autorisation de Dieu, pendant 3 ans, tous les 1000 ans.
En résumé, la croyance populaire en ces deux notions est fausse et ne correspond en rien à ce qui est expliqué dans ce livre (ni dans la Genèse, d'ailleurs). Le "plan divin" quant à la destinée des humains après leur mort n'a rien de logique ni de rationnel. Celui-ci possède trop de contradictions pour être compréhensible ni même avoir une chance d'exister (pour les croyants).