Bégaudeau disait de Finkielkraut, il y a quelques années sur BFMTV, avec son mépris habituel : "Finkielkraut n'est pas un philosophe". Je ne sais pas si cela est vrai. Ce qui est certain, c'est qu'il s'agit d'un très bon écrivain.

A.F possède un sacré style (bien que très accessible) et un certain art de la formule. Rien à lui reprocher sur la forme, donc.

Sur le fond, c'est un livre sur ce que nous appelons aujourd'hui "le wokisme". L'auteur n'utilise ce terme qu'une seule fois, étonnement (c'est plutôt une bonne chose : ce terme est vague et est souvent utilisé pour toi et n'importe quoi).

A.F n'aime pas qu'on le qualifie de réactionnaire : il l'est sur toutes les cases. Ou plutôt, il appartient à la vieille gauche, celle des années 1980, celle qui n'était pas encore totalement soumise aux minorités et à l'antiracisme, néo-féminisme et sectarisme qu'il combat ici férocement. Pour tout dire, ce livre aurait pu être écrit par Michel Onfray ; même analyse quant aux questions de société.

Ce livre, comme son nom l'indique, a pour thèse que la littérature n'est plus habitée par l'art, mais par l'idéologie. À mon sens, cela est vrai et faux : vrai, car l'extrême gauche souhaite contrôler totalement l'art pour y faire passer ses idées. Mais faux, car l'art a toujours été idéologique ! Simplement, cela lui déplaît, car il est opposé à ses "contrôleurs" actuels, l'extrême gauche qu'il vomit. La thèse secondaire est que le néo-féminisme et antiracisme sont néfastes pour la société comme par l'art, ainsi il tente de le démontrer via des faits d'actualités.

A.F détruit les stupidités de l'époque.

Notamment celles de "Tante Céline" (Proust). Par exemple, cette tendance à la haine de la hiérarchie ("son drapeau c'est l'humanité, son ennemi, c'est la hiérarchie"). C'est particulièrement vrai dans les arts : dire que Mozart est supérieur à JUL aujourd'hui : quel scandale (je résume sa pensée) ! Il reproche le relativisme de notre époque où tout vaut tout.

Il dénonce le mépris de la forme par la sacralisation du fond : cela est particulièrement vrai dans cette époque où l'art contemporain est laid mais excusé, car "profond" par son message. Non, en art, le fond n'est pas supérieur à la forme !

Enfin, c'est le règne des valeurs chrétiennes (compassion, égalité, émotion) mais sans le christianisme. Il ne faut pas blesser, juger, mais inclure, complimenter, égaliser.
Il résume fort justement les choses : c'est "l'art égalitaire"... Ce qu'il n'est pas et n'a jamais été : l'art n'a toujours été que le reflet de l'élite d'une époque, pas des masses! L'art n'est pas égalitaire, il est même l'inverse dans son essence.

Le néo-féminisme est ici présenté comme une inquisition. Il traque les hommes, qu'il essentialise. Pour ces adeptes, une main aux fesses est similaire au viol : c'est cette absence de nuance que critique l'auteur. Il démontre que #Metoo généralise grossièrement les comportements des hommes et repose sur un tribunal populaire, et non sur la justice. La morale n'est pas le droit. C'est tout le propos de M le Maudit. A.E regrette la victimisation permanente des femmes au mépris du réel : "l'humiliation est toujours du côté des femmes" (Agnès Varda). Les rapports hommes-femmes comportent nécessairement un aspect inégalitaire : l'humiliation et la désillusion sont des violences qu'on ne peut parfois pas éviter, et beaucoup de celles-ci ne viennent pas des hommes.

Mais jamais il ne remet en cause les droits des femmes, au contraire. Il défend le féminisme contre les dérives du néo-féminisme. Il est du côté de Deneuve, non de Coffin.

"Le néo-féminisme est un amalgamisme" *car il met tous les hommes dans le même sac. Mais il est aussi d'autres choses :

  • un vandalisme car il détruit la langue au nom de l'égalité ;
  • un bovarysme car il imagine être ce qu'il n'est pas enfin de demeurer en postion d'éternelle victime.

Et enfin, il est une haine de l'occident qui serait responsable de tous les maux des femmes. L'auteur rappel que c'est précisément le contraire : l'occident est l'endroit le plus égalitaire et sûr pour les femmes, contrairement à d'autres civilisations, notamment celle islamique.

A.F regrette ici ce que sont devenus les cérémonies des césars, où tous les artistes font allégeance aux combats de leurs temps. Il compare cela aux "deux minutes de haine" de Big Brother ("cérémonies de la haine", haine du dominant, qui qu'il soit). Il regrette le manque de nuance et le manichéisme de leur monde qui vise à vouloir tout détruire, dont les artistes dissidents (de droite...), au nom de leur lutte. La lutte passe avant l'art.

La honte ultime est celle d'être né homme. Car l'homme serait mauvais par nature. L'homme raisonnable, conscience, doit se haïr lui-même, car il est un oppresseur. A.F a peur que l'art soit toujours vaincu par l'idéologie, sans comprendre que l'art à toujours été vaincu par l'idéologie. C'est le contre-sens majeur de son livre. Il regrette que notre époque soit celle de l'idéologie sur l'art, alors que cela a toujours été le cas. Il pense sincèrement que l'art se distingue de l'idéologie et le regrette, c'est la thèse de son livre. Il ne semble pas comprendre que l'art, est, par essence, le reflet d'une idéologique, celle de l'élite. Cette faute, ce manquement, explique tout le ressentiment de son livre. Il se base sur un diagnostic faux. Cela n'enlève étonnamment rien à l'idée de son livre, qu'on comprend : le néo-féminisme rend l'art policé, en phase avec la morale actuelle.

Là où ce livre démontre toute sa puissance, c'est dans la démonstration que le wokisme (mot utilisé dans cette critique pour résumer les divers mouvements nocifs) est un cancer de la pensée. Il regrette le sort de Philip Roth et Kundera qui passent sous la guillotine de la bien-pensance.

Bref, inutile d'aller plus loin. C'est un livre qui montre parfaitement les dérives de ce que beaucoup appelle le wokisme. Il est argumenté, très riche, multiplie les exemples. Finkielkraut montre qu'il a dû style mais fait hélas une erreur fondamentale en pensant que l'art n'est qu'art : il est avant tout reflet de l'élite idéologique d'une époque. C'était le cas. C'est le cas. Ca sera le cas. On a le droit de le regretter ; c'est ce qu'il fait.

Minoumaou
7
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Créée

le 26 févr. 2024

Modifiée

le 27 févr. 2024

Critique lue 19 fois

Minoumaou

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