Arrivé à la fin de l'archéologie du savoir, j'avoue que je me suis demandé ce qui a bien pu me motiver à choisir ce livre pour commencer à lire Foucault. L'objectif de ce livre étant l'élaboration empirique d'une méthode d'analyse des discours, il serait à priori difficile pour un lecteur lambda de se sentir concerné par le sujet de ce livre.
Pourtant ce livre m'a passionné et tenu en haleine pour trois raisons:
- l'élaboration minutieuse de cette méthode d'analyse est structurée sous la forme d'une enquête. Malgré le fait que l'enquêteur ne cherche pas ici à résoudre un meurtre, Foucault ne manque pas de créer à chaque fin de chapitre une tension proche du suspens, qui nous fait tourner les pages pour découvrir le prochain indice.
- La progression méthodique de Foucault dans ce travail d'analyse m'a permis d'entrevoir l'originalité de son oeuvre. Chaque objet, phénomène ou relation est d'abord décrit pour ce qu'il n'est pas. Ainsi, systématiquement, Foucault part de l'extérieur d'une forme pour décrire ce que la forme n'est pas, avant d'en tracer ses contours, pour finalement décrire ce qu'elle est, ce qu'elle contient et comment elle se comporte. Chaque découverte est ensuite testée et illustrée dans le contexte des discours traités par Foucault avant ce livre (le discours psychanalytique, médical, économique, politique, historique, linguistique; de l'époque classique à nos jours); puis les nouvelles découvertes permettent d'enrichir la problématique, d'ouvrir et de réorienter l'enquête dans un sens nouveau ou non.
- derrière l'austérité apparente de la thématique de l'analyse discursive, se cache des problématiques plus fondamentales. Ainsi les questions que soulèvent Foucault encourageront n'importe quel lecteur "pris au piège" de son livre, à mieux questionner un discours, à mieux le positionner par rapport aux discours qui le précèdent, qui le côtoient, et auxquels il permet d’apparaître, à mieux décrire ce qu'un discours dit ou ne dit pas, en quoi un discours présente une rupture ou une continuité, avec quels objets entre-t-il en relation, etc etc.
Cette énumération de possibilités descriptives , mises en relation et testée sur plusieurs ensembles discursifs, permet à l'auteur de construire une méthode d'analyse détachée de la question de l'origine, de l'unification de l'histoire et de l'interprétation de ce qui est dit.
Peu préoccupé par la pureté d'une éventuelle analyse discursive que je pourrais entreprendre, je ressort de cette lecture beaucoup plus sensible et éveillé aux éventuelles questions des influences entre une idéologie, une science et un discours, et à l'efficacité que peut gagner un discours critique/analytique en se détachant de toute idéologie.