Ma première rencontre avec Philippe Claudel n'est pas concluante et elle ne sera donc pas suivie de récidive.
"L'Archipel du chien" est une fiction qui s'ancre en mer Méditerranée. Inutile de le chercher sur une carte, il est imaginaire ; il est ce lieu isolé, ce huis-clos où vit une poignée de personnages qui sont si universels que l'auteur ne leur fait pas même l'aumône d'un nom ou d'un prénom. Ils sont le pêcheur, le curé, le maire, l'instituteur, la vieille, le docteur, le maire pour les principaux ; ils sont Biceps, Fourrure, Spadon, Amérique, etc. pour les secondaires. Des hommes et des femmes - mais surtout des hommes - confrontés à une situation anormale, la découverte de trois cadavres sur leur littoral pourtant si loin de tout et qui sert de fortification naturelle à leur peuplade quasi primitive qui vit repliée sur elle-même et ses traditions séculaires.
Philippe Claudel semble vouloir faire de son roman un conte ou une parabole et pour cela il confie la narration à "la Voix". Comprenez la conscience. Elle informe le lecteur/spectateur de tout ce qui se trame dans l'île, lui ménageant quelques rebondissements pour maintenir son attention. En ce qui me concerne, cela n'a pas pris. Je n'ai été édifiée ni par l'écriture que j'ai trouvée étonnamment quelconque, ni par le récit peu crédible, à l'image des personnages très, mais alors très stéréotypés. Sans doute ce dernier point est-il d'ailleurs fait exprès pour renforcer la délation de l'auteur : oui, cette société est vraiment laide, sa conscience est noire, hideuse, l'homme est un loup pour l'homme, enfin plutôt un chien, oui l'homme exploite son prochain depuis la nuit des temps, oui des salauds balancent des réfugiés à la mer et oui encore, le crime amène le châtiment. Mais à part cela dont j'avais déjà terriblement conscience, que m'a appris ce conte ni philosophique ni féerique ? Pas grand chose, je suis chagrinée de le constater.
Ma seule consolation a été d'avoir persévéré jusqu'au bout de ma lecture car c'est seulement l'avant-dernier chapitre qui m'a semblé assez qualitatif pour pouvoir parler de littérature. Assez inclassable, "L'Archipel du chien" aura raté son but en ne me donnant ni bonne ni mauvaise conscience, mais une énième preuve que les méchants font couler plus d'encre que les gentils.