L'Art du roman
7.4
L'Art du roman

livre de Milan Kundera (1986)

C'est un livre sur le roman, bien sûr. Ce qui en fait fatalement un livre sur l'humain. Et dans cette fabuleuse fatalité réside la magie de ce livre. Et du roman en général. Et de l'humain aussi, vous l'aurez compris.


Quand je commence à un peu trop penser à ce que je lis, je finis par déterrer des trucs. Des trucs qui sont même pas à moi parfois. Ça vient d'entre les lignes, à travers mon propre prisme tout de même. Biaisé que je me dis. Tout n'est qu'interprétation. Tout est insondable que je me dis aussi... Ça me rassure en tout cas, de voir les choses ainsi. Ça me calme. L'idée de vérité est plus facile à dénigrer, je le fais sans cesse. Kundera aussi...je croyais.


À force de déterrer, quoi qu'il en soit, on en a gros sur la patate. Alors on écrit. Et là ça germe. On pensait poser une idée, et on se rend compte que les premiers mots sont des graines. Et ça fleurit sous nos doigts, on perd le contrôle.


Là voilà la vérité de ce roman. Kundera nous le dit: le roman a des thèmes (la légèreté, l'oubli, le kitsh, l'irrationnel..) qui s'appuient sur des motifs (les anges, une shapka, la merde, la bureaucratie ..); et tout cela ne vient pas du saint-esprit par illuminations intempestives ; les motifs et les thèmes sortent du taf de l'écriveur, des premiers mots qu'il pose dans le doute (les pires) ... "Au premier niveau, je compose l'histoire romanesque ; au dessus, je développe des thèmes. Les thèmes sont travaillés sans interruption dans et par l'histoire". L'histoire c'est le sujet romancé. C'est l'Histoire... épurée, ou l'humain épuré... épurés de ce que l'on a pas prévu de raconter... c'est le roman... c'est le film que j'ai regardé la veille.


D'un événement, ou d'une oeuvre, naît le ressenti. Du ressenti naît le besoin d'en parler. Ceux qui cherchent à le faire par écrit, en réfléchissant à un semblant d'architecture (oubliant le lyrisme pur, ou le cynisme...), se mettent à souligner des thèmes ; et à déterrer des motifs, qu'ils travaillent au corps et relisent ensuite ; et retravaillent peut-être ; déterrer les motifs d'un film par exemple, au sein du chaos des infinis pixels, et des harmoniques de la bande son. Ces motifs sortent du souvenir (relaté) du film, donc du film, qui est déjà souvenir quand on le perçoit. (Il en va de même pour la réalité, et le roman, et la BD...)


Ceux qui devellopent les motifs comme des personnages, et leur donne la liberté de sortir du souvenir (le souvenir vu dans la réalité, dans un film, dans un sourire (un motif pourrait en être les dents...)) pour creuser le thème associé... ceux-là pour moi débute toujours un roman.


Et si le sourire est un monde. L'insecurité en est un thème. Et les dents... un motif de ce thème j'ose penser. Faudrait essayer, mais ça impliquerait de commencer un nouveau roman.


Dans L'Art du roman, on parle de thèmes fulgurants. De même que le roman cherche l'essence de l'existence, L'Art du roman cherche l'essence du roman. Le roman en est un personnage, dont on parle des parties du passé qui nous intéresse. Pour en tirer des thèmes (l'individu, l'exploration, l'humain...) , et des motifs (Cervantes, Musil, Kafka, Diderot...). Le but étant de comprendre ce que veut le roman. Ses motivations les plus inavouables (parce qu'héroïques, et un peu ambitieuses...) et pour comprendre ce qu'il est aujourd'hui.


Fatalement, on en vient à donner des thèmes à notre existence. Vous verrez, c'est inévitable. Le roman... l'existence... ces deux là sont inséparables... et indécrottables. Et c'est là dessus que ce focalisera le livre. Sur les thèmes et motifs qui se tiennent toujours, de versions en versions, d'histoires en histoires, de confrontations en confrontations, et de relectures en relectures, sur des centaines de pages. Là où les humains, à cause que le roman les rend à la fois transigeants sur leurs idées et intransigeants envers le monde, finissent par ne plus pouvoir ne pas retenir certaines vérités. Comme des crottes coincées dans les poils. Des thèmes qui harcèlent et qui grattent. J'ai nommé l'oubli de l'être, la volonté comme valeur suprême, la mondialisation guerrière, le refus du doute...

Vernon79
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le 3 janv. 2018

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