Le premier tome avait entrouvert une porte sur l'univers d'un enfant bâtard dont l'existence, honnie par certains, appréciée d'autres, semblait promise au service d'un monarque afin d'accomplir ses plus basses besognes diplomatiques. Cette introduction plaisante, narrée à la première personne du singulier, ne manquait pas de profondeur.
Ce second opus ouvre plus largement encore le battant sur la vie de Fitz Chevalerie Loinvoyant, homme lige du roi dont les relations humaines (et autres) se suivent avec grand intérêt. L'auteure distille avec brio divers indices qui nous plongent toujours plus avant dans les intrigues de pouvoir, l'apprentissage de savoirs variés, l'initiation amoureuse.
L'utilisation de la première personne permet au lecteur de s'identifier au jeune héros et partager, comme avec le Vif, ses sentiments les plus secrets. C'est ainsi que ses douleurs, ses regrets, ses espoirs mais aussi ses joies sont nôtres ; si le quotidien de sa vie peut quelquefois apparaître monotone, il est bien plus fréquemment fascinant, passionnant, enthousiasmant ! Certaines tranches de vie s'avèrent bouleversantes tant la poésie imprègne des moments de grâce, comme ses premiers ébats sensuels ou bien ses vœux profonds à l'endroit de son roi-servant. D'autres moments apparaissent terribles, comme ces confrontations contres des êtres décérébrés dont on comprend confusément qu'un marionnettiste manipule les fils dans l'ombre.
Comme il est plaisant de suivre, à pas de loup, les échanges qu'il entretien grâce au Vif et le regard porté par son frère sur ses raisonnements terriblement humains !
Comme il est intéressant de tenter de dénouer l'écheveau verbal tissé par un fou, qui ne l'est pas tant que cela, dont on devine qu'il est un instrument clef de ce concert sociétal !
Comment il est jubilatoire, au milieu de visions et de sensations inédites, d'entrevoir le champ des possibles qu'offre l'utilisation de l'Art !
Une saga riche de ses personnages, des liens qui les relient, de ses ouvertures multiples... et de la plume intime de son auteure. Le succès est assurément mérité !