Ce roman restera longtemps dans ma mémoire. J'ai quitté certains chapitres terriblement attristé. Ca fait longtemps que je n'avais pas autant été remué par un roman.
L'assommoir, c'est l'alcool
L'assommoir, c'est le nom du troquet du quartier, mais c'est aussi l'alcool qui assomme toute volonté de s'en sortir, d'épargner. Zola, au premier degré, dénonce l'alcool, qui brise toute vélléité. Il a été, à l'époque, accusé de noircir le trait, la condition, les conséquences de l'alcool. Ni historien, ni exégète de l'époque et de la condition ouvrière, je ne peux avoir un avis sur la véracité. Mais le temps passant, il semblerait que Zola soit plus près de la vérité que ses contempteurs. L'alcool étant le meilleur moyen d'oublier sa misère, il est très facile d'y consommer sa paie. Mais, bien que l'homme (plus que la femme) boive l'alcool, c'est l'alcool qui boit l'âme de l'homme. Je pense que Zola ne voulait pas essentialiser l'ouvrier par son besoin de boire, mais il voulait pour le moins sociologiser cet alcoolisme, l'expliquer par son contexte. Quand on relit les 7 1ers romans de la saga, tous ou presque boivent beaucoup. Mais quand l'ouvrier boit, il consomme une proportion plus importante de son revenu que quand c'est le bourgeois.
L'assommoir, c'est surtout la condition ouvrière
Grosso modo, ce qui nous est décrit, ce sont les destins de différentes familles ou foyers au sein d'un immeuble dans un quartier très pauvre de Paris. La misère y est présente tout le temps et la paie du jour, pour peu qu'elle soit bien gérée, suffira à peine à grailler quelque chose pour la journée et à payer le loyer du mois.
Ce que Zola nous montre (me montre) en creux, c'est une incapacité à faire front, le délitement du lien social et familiale par la jalousie économique, par le jugement moral à deux balles, par la faiblesse, par l'alcool, bien sûr. Je veux croire que ce genre de roman, à l'époque, a contribué à un éveil des consciences pour que le progrès technologique et économique soit partagé par tous. Et pour qu'il soit partagé par tous, il fallait que les prolétaires prennent conscience qu'en groupe, ils sont plus forts.
L'assommoir, c'est le réalisme
Il y a la langue d'abord. Cette langue populaire, que l'on lit même dans la bouche du narrateur. Il y a la crudité, ensuite. La crudité de la langue, celle des actes décrits. Evidemment, l'acte sexuel n'est pas décrit comme il peut désormais l'être de nos jours, mais il ne manque plus que ça.
Et puis surtout, il y a la violence de cette vie. On peut évidemment ne pas exempter tous les personnages de certaines responsabilités, mais la vie est plus violente que les personnages eux-mêmes.
Et enfin, on voit parfois apparaître la famille Bijard. Cette famille a peu d'interaction avec les autres personnages, et surtout avec l'histoire. Mais en revanche, c'est avec cette famille que Zola choisit de plonger au coeur du sordide. Sans doute parce qu'il ne souhaitait pas que ses personnages soient mêlés à quelque chose d'aussi dégueulasse. On pourra accuser Zola de complaisance, mais je crois qu'il est important de pouvoir témoigner de l'époque de façon aussi réaliste que possible.
On ne sort pas indemne de ce roman. Et c'est là qu'on prend conscience de l'importance de Zola dans la conscience de gauche.