Argentine 1977. Tout le monde dans le village épient un bus qui refuse depuis quatre jours de s'arrêter chez eux. Le notable du village lui-même voit l'engin lui passer sous le nez. Le commissaire a fermé la ligne de chemin de fer. Des agitateurs rodent, parait-il et les chiens sont nerveux. Il est clair qu'il se passe qu'il se passe quelque chose... "L'autobus" est une fable moderne,qui nous parle d'un sale moment de l'histoire argentine, mais pas que de cela.

J'ai bien aimé ce court roman (120 pages) dont la sécheresse de ton et l'économie de mots répandent bien une inquiétude et un climat pénible sur le village et ses habitants. Il est question bien sûr de dictature (en termes voilés et seulement sur la fin) mais il est question surtout de pouvoir des uns et de soumission des autres, dans le cadre du couple, dans le contexte d'un village (les deux côtés de la route) , dans le cadre des hiérarchies.

Chaque chapitre étudie des cotés distincts des relations d'autorités ( par exemple les relations empreintes d'une sourde violence entre le notable et sa femme, la violence feutrée entre le commissaire et ses invisibles supérieurs, les tensions sociales enter pauvres et riches au café, violences qui donnent naissances à des blessures mentales ou réelles).
Toutes ses soumissions et révoltes qui traversent le livre sont évoquées de manière transversale , chaque personnage étant globalement incapable de mettre le doigt sur ce qui ne va pas, et interrogeant les autres ou la rumeur pour savoir qui commande sur qui. (cf certains discours sur le chef de barrière qui ne dépareilleraient pas "En attendant Godot").

Le livre joue superbement j'ai trouvé de la polyphonie vivante des points de vue, plaçant la caméra à divers endroits de la grand rue, accentuant le rôle de témoin que prend le lecteur . Seul un chapitre "historique" fait appel au narrateur omniscient pour nous conter un drame de couple en nous privant ( de manière intentionnelle et presque brutale) du point de vue de la femme.

Voilà, de nombreux angles de lectures (personnelles ou sociétales) s'offrent au lecteur dans ce court roman, qui vaut largement le détour,même s'il pèche c'est certain aussi, par un académisme un peu rigide (mais c'est le cas de beaucoup de "fables" je crois). Pas mal du tout :-)
nostromo
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le 3 déc. 2013

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