Par la racine !
La Louisiane années cinquante. Témoins du lynchage à mort de leur père par des blancs, deux jumelles grandissent dans le souvenir de cette violence et fuguent dès l’adolescence vers un monde...
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le 28 août 2020
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La Louisiane années cinquante. Témoins du lynchage à mort de leur père par des blancs, deux jumelles grandissent dans le souvenir de cette violence et fuguent dès l’adolescence vers un monde hypothétiquement meilleur. Presque quinze ans plus tard, une des deux réapparait dans sa ville natale, lestée d’une nouvelle forme de violence et d’une petite fille qui à son tour en a été le témoin. L’autre s’est évaporée, au sens japonais du terme. Sans doute en quête d’une nouvelle identité et profitant de l’opportunité de pouvoir passer physiquement pour une blanche.
Ce roman de Britt Bennett est marqué par la recherche. Une sœur, une identité, un refuge. Tout est parcours chez les personnages au cours de ce que l’on peut considérer comme une saga générationnelle. Mais la ségrégation qui est au centre du récit n’en étouffe pas l’aspect romanesque et psychologique. Jamais démonstrative et encore moins binaire, Bennett aborde les violences et les comportements avec une distance tout à fait remarquable. L’histoire en devient rapidement passionnante, captivante par un style enlevé et lumineux chaque fois que les situations pourraient rendre le roman documentaire. On est dans la littérature du sud, propice à une adaptation HBO (qui en a déjà acheté les droits). Jusqu’où la ségrégation peut-elle traumatiser ses victimes. Déni, résilience, rejet de sa propre nature et de ses propres racines. La libération existe-t-elle vraiment pour une femme qu’elle soit noire ou blanche quand on vit dans ce sud.
Mais ce qui pourrait se limiter à un polar « roots » à la Nick Pizzolatto se pare du mystère lié au thème de la gémellité cher à Michel Tournier. Le lien gémellaire, par-delà la couleur ou le statut social, dépasse la perception classique d’un monde établi. Et la fiction va se déplacer vers les deux points cardinaux des Etats-Unis, Los Angeles et New-York, symboles de l’évolution du pays à travers le siècle. Une histoire de deux sœurs séparées qui ne pouvait qu’immanquablement nous faire penser à « La couleur pourpre », va flirter brillamment avec la littérature US issue des deux mégalopoles dans toute sa modernité et suivre les filles des deux protagonistes en version noire et blanche.
Cette narration qui se développe jusqu’aux années quatre-vingt-dix permet ainsi à Brit Bennett de nous faire mesurer l’impact des violences et des chemins parcourus pour les contourner. Chacune des jumelles à sa manière va rechercher le moyen de ne plus souffrir. Mais les générations qui suivent ne peuvent éviter les répliques d’une secousse aussi redoutable que celle provoquée par le racisme, la discrimination ou encore la violence conjugale.
« L’autre moitié de soi » est une belle histoire. Une très belle histoire et un beau roman, qui pourra paraître facile dans l’écriture pour certains, plus efficace qu’un pamphlet documenté pour d’autres. Dans tous les cas il démontre une fois de plus la capacité de la littérature américaine à regarder ses démons en face pour mieux les affronter.
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le 28 août 2020
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