Son père est couché, amaigri de trente kilos, la peau jaunâtre, le ventre distendu. Il s'abandonne lentement à l'appel de son pays. Anna connaît peu de choses de lui. Pour lutter contre ce silence, elle collecte patiemment des souvenirs auprès de ses amis, ces hommes venus d'Algérie après la guerre, tout comme lui. Anna écrit, enseigne à l'université : questionner les êtres, retranscrire leurs histoires, c'est son métier.Elle cherche à retrouver ce père enfant, adolescent marqué par la guerre, découvrir ce qu'il a vu, ce qu'il a traversé. Laveur de carreaux, il n'a laissé derrière lui aucune trace, ni sur les vitres qu'il nettoie, ni dans sa propre vie. Il avait choisi de s'effacer, de devenir un homme sans visage, ne pas se faire remarquer, une ombre parmi les autres. Déchiré, il s'était dédoublé : deux foyers, deux femmes, deux existences parallèles. Il avait renoncé à léguer à Anna et à son frère son nom, sa maison, sa part de l'histoire.Un roman d'une infinie délicatesse, où affleurent, entre les lignes, les stigmates de la colonisation et de la guerre d'Algérie, l'asphyxie d'un peuple. Les harkis, l'humiliation, l'abandon par la France. Dans une construction subtile et fragmentée, Anna tente de renouer les fils, d'édifier des passerelles, de relier les deux moitiés de son être. Et puis il y a ces reflets, fugitifs, dans les vitres : comme les deux visages de ses origines.Merci aux éditions du Seuil de leur confiance.