C'est la première des deux versions que j'ai lue et c'était également mon premier Claudel. J'ai trouvé ça absolument génial car terriblement vrai. Toutes les discussions entre Louis Laine et Marthe j'irai presque jusqu'à dire que je les ai déjà eues. Cette femme prête à tout pour être aimée, pour qu'il lui dise qu'il l'aime, mais lui, pudique, ne peut lui dire en plein jour.
C'est ça qui fait pour moi une grande pièce de théâtre, un grand livre, un grand film, c'est d'arriver à capturer ces moments dans le couple, où alors que tout pourrait aller pour le mieux, on sent quand même un léger décalage entre les deux, où l'on est proche de la formule de Balzac : "En amour, il y en a toujours un qui souffre et l’autre qui s’ennuie."
Ce n'est pas qu'ils ne s'aiment pas, ils s'aiment, mais comme un homme aime une femme et comme une femme aime un homme.
Je trouve ça profondément émouvant de lire cette femme qui est prête à insulter toutes les autres femmes en disant que les blondes sont infidèles, que les noires sont ceci et que les châtains cela... et que même s'il en a rencontré une autre qui n'est pas comme ça, elle, elle peut argumenter pour lui expliquer pourquoi elle est plus belle... comme si l'amour c'était rationnel.
Il se dégage donc de ce texte, pas réellement fleur bleu, quelque chose de réellement puissant, parvenant à décrire ce que c'est que le couple, que l'attachement de cette femme envers son homme mais surtout ce que c'est que de se sentir profondément trompé, où tout l'univers semble s'effondrer...