Princesses ou victimes de mariages d’intérêt ?
Dans le cadre du XVIIIe siècle, Chantal Thomas révèle le secret d’un illustre échange de princesses entre la France et l’Espagne. Suite à une période de guerre, Philippe d’Orléans, régent de France, veut pacifier les relations avec l’Espagne et renforcer ses postions. Il propose donc un mariage entre Louis XV, âgé de onze ans et l’infante d’Espagne, Anna Maria Victoria, âgée juste de quatre ans. En contrepartie, la fille du régent, Mlle de Montpensier épousera le prince des Asturies, Don Luis, héritier du trône d’Espagne. De sa part, Philippe V d’Espagne salut cette proposition. Les deux pauvres princesses sont alors le symbole de la domination des parents qui utilisent leurs enfants comme étant des outils diplomatiques.
Très connue au grand public avec « Les Adieux à La Reine », Chantal Thomas est une romancière, essayiste et spécialiste du XVIIIe siècle. Elle a rédigé un nombre d’ouvrages historiques comme « Sade, Casanova et Marie-Antoinette ». En 2002, elle a obtenu le prix Femina pour son roman « Les Adieux à La Reine » qui a été adapté au cinéma en 2012.
Dès le titre, « L’échange de Princesses », l’auteur affirme que les princesses au XVIIIe siècle sont traitées comme des marchandises : « pourquoi une telle urgence à expédier en plein hiver, et pour un voyage qui a toute chance de la tuer, une petite fille qu’ils prétendent chérir ? ce mariage n’est-il qu’un mariage vers lequel il faut s’empresser de courir avant qu’il ne s’efface ? » P.68. « puisque la princesse est déjà malade autant foncer dans l’épidémie qu’importe ceux du cortège qui y risquent leur peau ! »P.85. Le régent Philippe d’Orléans échange sa fille contre l’infante d’Espagne sous prétexte qu’il faut mettre un terme à la guerre entre les deux pays. Mais en réalité, il veut fortifier ses pouvoirs. Ce fait figure parmi les mœurs récurrentes au XVIIIe siècle où les parents dans toutes les couches sociales utilisent leurs enfants pour accéder à leurs fins.
D’ailleurs, Chantal Thomas excelle à nous transporter au XVIIIe siècle. Ce déplacement a eu lieu par le biais d’une description détaillée de la vie royale, de la cour du régent et des coutumes et des traditions du XVIIIe siècle : « le lendemain, il y a chasse et grand bal… à Madrid comme à Lerma, les bals en son honneur. »P.89. l’auteur a divisé son roman entre deux lieux : Madrid et Paris. Ce passage entre les deux pays voisins a reflété une divergence entre la vie d’Anna Maria Victoria entourée de libertines françaises et Mlle de Montpensier assiégée par des catholiques espagnoles. Cette méthode de narration va de paire avec l’idée de l’échange mais elle a causé beaucoup de rupture dans le fil des idées et des évènements.
Nous remarquons une excellente analyse des sentiments féminins tout au long de la narration : « Elle éclate d’amour, et cette déflagration intérieure vaut pour elle comme la révélation même de la joie. Elle qui vient de quitter famille et pays s’en remet de toute son âme à ce seigneur et roi que Dieu lui a choisi. »P.106. Ainsi, le style est adéquat à la période de la régence. Pour souligner l’union entre l’Espagne et la France, l’auteur insère dans le récit quelques termes espagnols : «la casa Espanola, la casa Francesa »P.52, termes qui traduisent ce mariage diplomatique. Pour donner une atmosphère réelle à cet illustre échange, Chantal a cité des lettres et des correspondances qui proviennent des archives historiques de Madrid et des extraits de presse tiré de la Gazette de France.
En un mot, ce roman semble un scénario idéal pour le cinéma. Et pour ceux qui aiment l’Histoire, il parait parfait vu l’harmonie entre le style romanesque et les évènements historiques.