Dan Simmons est connu pour deux oeuvres : Hypérion et le livre qui nous intéresse ici; L'Echiquier du Mal. Ce dernier mêle habillement fantastique, thriller, espionnage, Histoire et horreur dans une fresque humaine menée tambours battants. Il est difficile de résumer L'Echiquier du Mal tant le livre est dense et tant il brasse de personnages différents. Ainsi, je pourrais parler de Saul Laski, ce juif ayant survécu aux camps de concentration et recherchant un nazi qui l'a torturé avec de mystérieux pouvoirs extrasensoriels que l'on nomme Talent.


Je pourrais également parler de Mélanie Fuller et Nina Drayton, deux vieilles femmes qui s'amusent de leur Talent pour jouer à un jeu macabre en compagnie de Willie, l'ancien officier nazi qui est traqué par Saul depuis plus de 40ans. Je pourrais aussi aborder le shérif Bob Gentry et la jeune Natalie qui enquêtent sur de mystérieux meurtres dans la ville de Charleston en Caroline du Sud ou encore des mystérieux membres de l'Island Club qui cachent de lourds secrets, mais ça n'aurait que peu d'intérêt car il est bien plus plaisant de découvrir ces protagonistes au fur et à mesure de sa lecture.


L'Echiquier du Mal est un roman imposant qui demande un peu de temps pour s’apprivoiser et pour se laisser apprécier. En effet, il n'est pas évident de passer d'un personnage à un autre à travers une chronologie qui ne cesse de se chevaucher. A titre d'exemple, il n'est pas rare d'apprendre un évènement lors du chapitre d'un personnage puis de revivre cet évènement lors du chapitre suivant à travers les yeux d'un autre protagoniste. C'est un peu déroutant mais on finit par s'y habituer et à y prendre gout. Dan Simmons brasse de nombreuses influences et c'est plaisant de passer d'un souvenir historique de la guerre 39-45 à une opération militaire menée par le Mossad ou à un scène de torture pratiquée via le Talent.


D'ailleurs un petit mot sur ce dernier puisque c'est lui qui insuffle une grosse dose de surnaturel à l'oeuvre. Les personnes possédant le Talent sont capables de contrôler totalement des individus qui deviennent alors des marionnettes serviables à merci. Ainsi, Lee Harvey Oswald aurait été assassiné par un Jack Rudy sous l'emprise psychique d'un tiers tout comme ce fut le cas pour le meurtrier de John Lennon. En glissant du surnaturel dans des faits réels, Dan Sommons donne un cachet très plaisant à son livre. Et particulièrement quand il associe Talent et Politique.


Eh oui, certains leaders de notre monde sont des possesseurs du Talent et ils en abusent constamment. Ce sont eux qui font la pluie et le beau temps en géopolitique. Mais ce sont surtout des joueurs qui se mènent une guerre interne en manipulant toutes celles et ceux qui peuvent les servir dans leur cause destructrice. C'est donc une profonde décadence des élites qui est décrite dans le livre et c'est très plaisant de passer de leur point de vue à celui plus humain de personnages qui vivent leur quotidien en se débattant dans la toile tissée à leur insu par les Puissants.


Mais Dan Simmons ne s'arrête pas là. Il décrit sans fioriture une Amérique sclérosée par le racisme, par les guerres des gangs, par les dérives religieuses, par la corruption dans les hautes sphères du gouvernement, par l'immigration clandestine, par la violence... L'auteur d'Hypérion ne cache pas son acerbe vision d'une Amérique gangrenée par les clivages sociaux et culturels et décrit tout cela avec Talent (huhu). Son style est agréable et on prend beaucoup de plaisir à lire ses digressions. Particulièrement celles concernant les camps de la mort de la seconde guerre mondiale qui ont bénéficié d'un très gros travail de recherche de sa part.


Finalement, le seul reproche que je pourrais adresser à l'auteur c'est d'être un peu trop bavard. Certains chapitres tirent vraiment trop en longueur et j'ai personnellement été frustré de lire des pans entiers de souvenirs à propos de tartes aux fraises préparées par la tantine grassouillette d'une amie d'enfance d'un personnage quand j'aurais aimé passer directement à l'action. Car de l'action, il y en a ! Elle bien dosée, punitive, parfois extrêmement violente et offre souvent des scènes chocs qui relancent l'intrigue.


Vous l'aurez compris, l'Echiquier du Mal est une très bonne fiction. Riche à tous les niveaux, elle devrait satisfaire les publics friands de fantastique et de thriller...mais également ceux qui aiment les Echecs. Oui, je n'ai pas du tout parlé de ce pan de l'histoire mais sachez que le célèbre jeu tient une place de choix dans le roman. Au sens propre mais également au sens figuré puisque les machinations et offensives des uns et des autres renvoient sans mal aux déplacements stratégiques de joueurs expérimentés. Après tout avec un titre comme l'Echiquier du Mal, il aurait difficilement pu en être autrement !

MarlBourreau
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le 2 août 2015

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