Une dystopie glaçante, dérangeante et qui fait réfléchir sur le rôle des parents aujourd'hui et dans l'avenir.
L'art d'éduquer a toujours fait couler beaucoup d'encre, et s'opposer de nombreuses et diverses théories.
Dans les États-Unis du futur tels que les connaît Frida, maman solo débordée d'une petite Harriet, 2 ans, l'heure en est à la responsabilisation parentale, ce qui, en soi, est une idée qui me ferait plutôt rêver, moi qui déplore la déresponsabilisation des parents français actuels, qui confient l'éducation, la propreté, la socialisation, bref, tout ce qui concerne leurs enfants, à autrui - l'école, les services sociaux, les écrans, etc. L'idée de base, donc, est séduisante, sauf que, comme souvent, sa mise en pratique est pensée et mise en œuvre par des personnes hors sol, empiffrées de théories et de jugements de valeurs, mais bien loin, de plus en plus loin, des réalités du terrain, de l'humain, de la tempérance, de la nuance et de la raison.
Ainsi donc, les parents sont surveillés par la société toute entière, et la délation est encouragée au moindre faux pas. Les "mauvais parents" qui se voient dénoncés par un conjoint, un voisin, ou une hôtesse de caisse, se voient déchus de leurs droits parentaux et envoyés en camps de redressement, pour tenter de réapprendre à devenir un "bon parent". Tous sont réunis dans le même panier et traités à la même enseigne, sans distinction ni échelle de mesure, les violents, les pédophiles, et ceux qui ont eu 10min de retard pour récupérer leur progéniture à l'école.
Pour devenir meilleures, les mères de "l'école des mères" vont devoir se plier à des cours et examens tous plus absurdes les uns qui les autres, pendant 1 an, coupées du monde. Dans un univers ubuesque et totalement déshumanisé (c'est le cas de le dire, je ne vous en dis pas plus), elles devront apprendre (le comble !) à devenir maternantes, empathiques, aimantes.
Jusqu'où tout cela reste-t-il éthique, humain ? Ou s'arrête l'intelligence, où commence la bêtise bureaucratique ? Est-ce vraiment "juste" ?
Et l'intérêt de l'enfant, au final, le cheval de bataille initial de tous, est-il vraiment respecté ?
Frida est un personnage ambivalent, terriblement humain; elle fait une erreur qu'elle payera au centuple pour le restant de ses jours. Elle est juste très réaliste et attachante.
Le roman est décrit à la troisième personne, du point de vue de Frida uniquement, taillé au scalpel, la rédaction de l'action comme les descriptions sont froides, chirurgicales, et pourtant, étrangement, vectrices de beaucoup d'émotions. J'ai ressenti la douleur de Frida, sa sidération, sa colère, sa rage, sa haine parfois, son désespoir et sa fatigue. Ses questionnements, son malaise devant certaines situations. Son évolution et sa fissuration.
Un roman terriblement d'actualité, qui fait réfléchir et bien réfléchir, une pépite à mettre entre toutes les mains.