De la conscience et de l'éveil. Et la belle Scudi Wang
Hé bien, hé bien... Cela faisait quelques années que je n'avais lu ce cycle et une chose est certaine : j'y replongerai encore. Quelle écriture, quelle projection totale et puis quelle histoire ! Frank Herbert reste un maître inégalé de la survie de l'humanité et je dois bien avouer que, même si j'apprécie grandement le cycle de Dune, le programme conscience reste de loin mon préféré. Plus viscéral, plus profond sur la nature humaine et la nature de l'humanité que Dune - qui fait presque office de space op. en comparaison.
Après "Destination vide", huis clos angoissant mais très dynamique, qui allait amener une poignée de clones humains hors de toute espace-temps connu sur une petite planète sauvage du nom de Pandore, l'Incident Jésus nous faisait vivre de façon poignante la tentative d'acclimatation et de survie de cette petite colonie humaine à cet environnement inconnu et hostile. Hostile par un de ses deux soleils -au rayonnement mutagène-, hostile par sa faune contre laquelle les humains sont démunis et hostile par les pressions de Nef et d’Avata. Car le programme conscience a accouché d'une nouvelle entité salvatrice mais absolue et plutôt tyrannique et Pandore est habité par une conscience collective du nom d’Avata. Le premier tome était très technique et scientifique, et le second avait une dimension mystique certaine. A l’entame de ce troisième opus nous faisons table rase de ces grands débats (du moins pour les volets théoriques) : nous allons plonger dans la boue du quotidien des créatures pandoriennes.
Et nous voici aux premières pages de L’effet Lazare. Quelques générations après la fin du tome précédent. Nef et Avata ont disparus. Le varech est mort ainsi que les gyflottes. L’océan recouvre maintenant l’entièreté de la planète. Mais Pandore est toujours hostile et l’humanité se débat toujours dans ses problèmes de survie au quotidien et d’autodéfinition – tiraillée entre les « pures » siréniens et les « mutards » iliens. Car l’enjeu de ce livre est là : les limites que se donne ou pas l’humanité elle-même, parfois, dans un accès de conscience ou de folie au milieu de ses travers habituels. Définition qui va déterminer de sa survie ou de sa disparition rapide.
Comme toujours les débats sont enlevés, l’action palpitante et les propos d’une profondeur impensable. Aucun auteur à ce jour, pour moi, n’a atteint ce niveau de projection de l’humanité dans une future fictif mais réaliste. Cela tient sans doute à cette recherche ininterrompue de l’auteur sur les fondamentaux d’une espèce (en l’occurrence l’humanité) et sur les conditions minimum de sa survie. Et comme dans tout livre herbertien la réponse n’est jamais que temporaire, un délai apposé, comme un pied de nez, à l’inéluctable. Et comme dans tout livre herbertien, la réponse n’est pas une conclusion mais la résultante ponctuelle du comportement et des réflexions de ses personnages- ouvrant vers un nouveau possible, redistribuant les cartes pour un nouveau tour de table.
Je n’ai même pas envie de tenter un résumé de l’histoire, ce qui gâcherait la découverte. C’est une lecture qui comporte une dizaine de faisceaux, comme pour tout ce cycle, chaque personnage apportant son regard, son histoire, ses réflexions au récit et laissant le lecteur se faire une idée tout seul sur ce que l’auteur a voulu expérimenter. Une façon, je pense, pour l’auteur de mettre l’enjeu même de son propos au cœur de la lecture. Vous suivrez le juge Keel, Twisp, Bushka, la Psyo Simone Rocksack, Kareen, Panille, Gallow, Nakano, Brett et puis l’adorable Scudi Wang. Mais aussi Vata et Duque. Sans oublier Noé.
J'ai toujours un petit faible particulier pour l'incident Jésus mais ce tome est une pierre de la même eau.
« Si tu sais tout cela de l’intelligence extraterrestre et si elle demeure tout de même étrangère à ton entendement, alors tu ne sais pas ce que c’est que d’être humain. » (L’Incident Jésus)
« Il était possible après tout, qu’aucun Ilien n’eût jamais consacré plus de réflexion à la vie et aux formes de la vie que le juge Keel. Certaines de ses observations, il le savait, ne pouvaient être qu’uniques et irremplaçables. Illogiques parfois, mais en tous cas vitales. Et il lui répugnait de les voir se perdre alors que l’humanité en lutte en avait besoin. » (L’effet Lazare)
« Ne projette pas tes craintes sur Avata. Il n’y a là rien d’autre qu’un miroir propre à te révéler. » (L’effet Lazare)
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