Décidant de faire une ellipse et un saut dans le temps de plus de 3000 ans, Frank Herbet nous projette dans un univers où Dune est devenue méconnaissable et où Leto II dirige son Empire d’une main de fer. Tout cela dans le dessein d’accomplir son Sentier d’Or, imposant sa paix. Plus qu’un tome où on pourrait y voir une rébellion contre laquelle un tyran se bat, ou une œuvre dans laquelle les héros parviendraient à renverser le pouvoir en place ; Frank Herbert propose là une œuvre qui a plus un but de réflexion. Là où les précédents tomes abordaient des thématiques importantes sur différents sujets, mais conservaient une quête intrinsèque aux personnages ; ici, la quête est reléguée au second rang et le tome devient presque un essai sur le pouvoir totalitaire, au travers des longs dialogues (monologues ?) de Leto.
Bien sûr, il y a toujours une intrigue et une forme de quête au travers des personnages de Siona, une énième version de Duncan Idaho, Nayla, Moneo ou même la discrète Hwi Noree. Chacun aura un rôle à jouer, chacun conduira au climax qui changera une nouvelle fois l’univers de Dune à jamais. Pourtant, c’est bien Leto qui est au cœur de ce récit, son Empire, son symbole, son pouvoir, sa paix, son Sentier d’Or… Tout autant d’éléments qu’il a mis en place et sur lesquels il débattra sans jamais faillir. Tout en étant l’antagoniste des « héros », il est le personnage central du roman et il est celui qui suivra une quête, mais une quête différente car il en connaît déjà la finalité et s’y est préparé. Ce qui donnera presque l’impression que les autres personnages ne sont que des pions avec lesquels il joue en attendant le moment fatidique.
Si ce quatrième tome est donc beaucoup plus versé sur la réflexion et les thématiques, plus que sur la quête elle-même, il n’en restera pas moins tout aussi efficace. En y disséminant les différents éléments qui constitue un régime totalitaire, Frank Herbert parvient à produire une œuvre passionnante et haletante, là où les personnages traversent plutôt une crise existentielle. Plus encore que les autres tomes, celui-ci revêt, en un sens, une certaine dimension dramaturgique propre au théâtre tragique. L’ellipse redistribue les cartes, et antagonistes et protagonistes ne sont plus celles et ceux qu’on croit.
L’Empereur-Dieu de Dune se démarque de ses prédécesseurs par son rythme et sa structure narrative, mais n’en reste pas moins passionnant. Un régal !