Critique de L'Enfance attribuée par Charybde2
Une longue nouvelle post-cyberpunk un peu réchauffée avec pourtant quelques belles fulgurances qui mettent en appétit. Sur le blog Charybde 27 :...
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le 12 mai 2020
Alors oui, pendant la première moitié, je me suis fait largement ch***, à me demander ce que je faisais là, à lire une histoire d'amour dans une société apparemment parfaite, qui me gonflait, pour tout dire.
Pendant toute la première moitié, j'ai lu l'histoire comme si c'était "naturel", et "normal", ce qu'ils vivent. A aucun moment il ne m'a effleuré l'esprit que si c'était une dystopie, c'était pour une bonne raison. Il est vrai que le titre français induit largement en erreur.
Du coup, c'est drôlement bien écrit (et bien traduit). Parce que je ne me suis rendu compte de l'horreur de cette société qu'en lisant la suite...
Bon, certes, on est induit en erreur aussi par deux choses : d'une part ils font partie d'une élite, quasi immortelle et parfaite, le tout du à des nanotechnologies qui les parasitent en continu, et c'est clair dès le début. Et d'autre part parce que le fait que sa nana, Eléanor, soit une personnalité connue "justifie" les systèmes de sécurité autour d'elle... Cette Léa, au début on ne sait pas du tout ce qu'elle fait. Il me semble qu'elle n'est juste qu'une espèce de Kardashian, qui utilise la notoriété de son futur mari pour monter encore dans les "vues". Qui a tellement de "suiveur" sur les réseaux qu'elle fini par devenir politique. Elle ne fait que "tout montrer" de sa vie sur les réseaux, de ce que j'ai compris, au début, en tous les cas.
Tous deux sont totalement assistés par des systèmes informatiques directement reliés à leurs cerveaux. Ils ne pensent plus, ne font plus marcher leur mémoire, tout leur est prémâché (et moi qui vient de découvrir Blanche Gardin et son spectacle de 2017, je ris, jaune, mais bon). Seule la créativité est encore un domaine relativement "réservé", où Sam a excellé et qui l'a fait devenir célèbre.
Les fêtes se déroulent par hologramme (voire avatars) interposés, plus de rencontre "de visu", sauf pour faire l'amour. Plus de câlins, plus de tendresse, plus d'engueulades de visu (remarquez au moins plus de coups, non plus, au moins ça). L'être est constamment entouré (par des assistants virtuels, notamment) mais toujours seul, tandis que paradoxalement la terre est surpeuplée. Plus encore qu'aujourd'hui. Alors que c'est déjà pas la joie...
Et qui dit immortalité + surpopulation dit reproduction interdite. La reproduction n'est réservée qu'à une élite, entièrement "eugénisée", en plus. Des embryons sont récupérés sur des femmes qui ont des grossesses "illicites", cryogénisés pour ensuite être "façonnés" selon les demandes des quelques rares futurs parents. Dont seront Sam et Léa, à leur grande surprise car ils n'ont rien demandé.
Mais bon, comme on ne voit leur monde que du point de vue du héros, Sam, bah tout ça nous parait "normal", comme ça l'est à ses yeux. Certes on se pose des questions. C'est quoi un "puant", notamment. C'est quoi cette façon de se reproduire. Mais sans plus, l'histoire se déroule, c'est dit sur un ton anodin.
Toute la psychologie d'Eléanor et Sam est ultra-cohérente. Là où Eléanor est adaptée, comme un poisson dans l'eau dans cette société, où l'être humain a plus que jamais valeur de kleenex (les assistants virtuels sont somme toute bien plus importants pour elle), Sam, plus "conservateur", peine à vivre bien cette vie sans chaleur humaine et sans relation intime vraie et épanouissante. C'est d'ailleurs ce qui le désigne comme "étranger", sans doute, et le fera bannir du haut du panier.
Quand on est au sommet, plus dure sera la chute. Elle est spectaculaire. L'ultra-surveillance a ses défauts, ses bugs. Sam va en faire les frais. Sa dégringolade va être soudaine, massive, et irréversible. il fera désormais partie des "puants" (ayé, là, on comprend très bien ce que c'est, enfin !), de ceux qui meurent à 80 ans, les normaux, quoi, vous et moi. Et ça fait dresser les cheveux sur la tête. Parce que ce n'est pas si futuriste que ça...
Sur ce je vais aller chercher un coin retiré dans la cambrousse pour y finir mes jours de mortelle loin de la connerie humaine. Parce que voir ce matin un animateur d'une certaine émission "voiture" se réjouir qu'on ne conduise plus sa voiture dans un avenir très proche et qu'on puisse mettre un casque de réalité virtuelle pour voir des paysages de campagne asiatique vue de drône (et qui n'existera un jour plus que comme ça, sans doute), moi, ça me déprime sévère...
BRILLANT, je vous dis !
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Créée
le 12 janv. 2020
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