Entre autres qualités, "L'enfant volé" est écrit par un de mes auteurs préférés (trônant fièrement entre Duras, Joyce, Zola, Tchekhov et tant d'autres), Ian Mc Ewan, l'homme qui m'emporta comme jamais à 15 ans lorsque je découvris fébrilement le magnifique "Expiation". Mais ici, pas de revanche fratricide ou de guerre. Non, ici si l'enfance est abordée d'une manière assez magique et intelligente, la revanche se fait sur la vie, et la guerre contre elle et les pertes qu'elle sème sur nos routes.
Le personnage de Stephen ressemble dans son caractère étrangement au héros de "Samedi" (autre (superbe) livre de Ian), un héros sondé au plus profond de son âme, dont quelques secondes seulement, une journée, un bref instant, une brève prémonition permettent de faire basculer un récit riche en analyses psychologiques fines, en émotions et en rebondissements. Oui, le livre s’attelle aux descriptions, aux humeurs de Stephen mais pour mieux retranscrire son chemin de vie, celle qui doit se reconstruire après la perte brutale parce que jamais définitive ici (il s'agit d'un enlèvement) d'une enfant.Une enfant inoubliable bien sûr. Qui laisse un couple brisé, qui s'éloigne. Enfin, jusqu'à ce que la finesse de l'écriture de McEwan ne les rassemble avec frénésie et subtilité.
La plus belle prouesse de ce livre est de parler de l'enfance par son absence. En effet, dès les premières pages, Kate disparaît mais son ombre plane tout d'abord et surtout l'enfance plane. Dans le métier de Stephen, qui écri(vai)t des livres pour enfants et fait aujourd'hui partie d'une commission pédagogique sur l'enfance. Mais surtout, elle s'inscrit dans la peur, celle de l'enfant, dans la libération totale, celle de la régression. Mais surtout, elle retrace la vie entière, d'un être qui aurait pu ne jamais exister et ce l'espace de quelques minutes à peine, au pied d'un arbre. Il s'agit d'une véritable quête, d'un désespoir lattent mais combatable. Une histoire d’amitié, d'amour, de naissance, de perte, de mort, d'erreurs, de petites satisfactions, de routine, d'étapes à franchir sans logique apparente (mais qui prennent tout leur sens au fil de la lecture). Mais surtout une histoire de rêves à accomplir. Et surtout au delà d'une réflexion, parsemée dans tout le roman en début de chapitre, sur l'éducation et l'accompagnement de l'enfant, c'est une merveilleuse réflexion sur l'accompagnement, l'accomplissement d'une vie avec l'autre (qu'il soit l'ami(e), l'enfant, l'amour, l'amant..). Et ce, quelles que soient les embûches, les peurs, les déceptions, la vie triomphe, même fragile, même fugace. Il est tenace cet état de plénitude, de pensée fragile, obscure. En somme, le temps n'est qu'une question de perception, tout peut arriver, la vie quoi !