« L’enracinement », signé Simone WEIL, est souvent présenté comme le prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain. ‘Devoirs’, concept que l’auteure, Simone WEIL, remet en question dès les premières lignes en le couplant au concept de ‘droits’, entité ‘droits et devoirs’ à laquelle elle préfère la notion ‘d’obligations’ ! On a déjà ici tout une belle et forte perspective de réflexions et de révisions de nos jugements habituels sur ce qui est censé fonder nos vies.
Simone WEIL, figure mystique chrétienne, atteinte de tuberculose, préféra quitter New York puis Londres où elle travaillait pour la France du Général de Gaule et venir finir ses jours sur les terres de France pour y partager les souffrances de ceux restés au Pays. Elle y mourut le 24 août 1943.
Son essai est un essai philosophique, religieux et politique, écrit avec brillance, référencé à souhait et, même si la poussière du temps à quelque peu recouvert ses lignes, les propos sont utiles, compréhensibles. Ils interpellent et respectent le lecteur qui sera seulement invité à se situer en profondeur sur ce qu’il nomme besoins indispensables, racines de l’âme et de la vie collective, sens et pouvoir de la vie, de la mort, du travail et de l’obéissance qu’il se doit à lui-même et au monde quand il déroule sa vie, ses envies, ses passions et combats.
Je ne pense pas que ce livre exige, pour être lu et compris, un partage des convictions de foi de l’auteure. Il ne se veut en rien un essai prosélytique et, par ailleurs, le coup de plume de Simone WEIL se transforme parfois en coups de griffes bien acérées lorsqu’elle dénonce les reprises du message de foi initial par les puissances terrestres de son époque comme de celle des grands empires grecque et romain à qui nous accordons trop facilement à ses yeux le label d’origines fécondes de notre humanité.
Le seul ‘acte de foi’ que réclame l’adhésion à un volonté de lecture intelligente de cet essai est celui de reconnaître que l’Homme doit rester lucide face à lui-même, à l’Histoire qui lui tient lieu de tuteur plus que de vérité nourricière et qu’il lui faut garder au cœur de sa vie les besoins qui sont légitimes à la grandeur de l’Humanité et les obligations que toute vie fait naître dès qu’un individu se revendique Homme parmi les Hommes, avec ou sans dieux.