Ancien professeur de philosophie en lycée, Jean-Claude Michéa a publié ce petit livre alors qu'il était toujours en fonction: c'est donc un homme qui parle de l'intérieur du système, ce qui rend sa théorie d'autant plus intéressante.
Après avoir dressé un constat pessimiste sur le sens que prend notre histoire, à savoir la transformation progressive de notre ancienne société en "société libérale intégrale", celui-ci fustige une école voulant s'adapter au capitalisme plutôt qu'être une instance de critique de la pensée économique qui nous est imposée. Il annonce que le savoir transmis à l'Ecole devient de plus en plus utilitariste, et que de nombreux pans de notre culture sont mis sous le tapis car on leur reprocherait leur inutilité. Michéa, lui, considère qu'aucun savoir n'est inutile, mais que les savoirs sont au contraire complémentaires. Il fustige une école ou l'élève deviendrait "client", une école peu à peu convertie aux lois du Marché et servant finalement plus à abrutir qu'à éveiller les consciences.
Bien que Michéa aille parfois très loin dans ses visions catastrophistes de notre société, on ne peut lui reprocher d'avoir, dès 1999, vu juste sur l'avenir de l'Ecole française. En effet, de nombreux passages trouvent un écho contemporain, de nombreux dires du philosophe peuvent malheureusement être constatés aujourd'hui (par exemple, l'approche des savoirs exclusivement par compétences au sein de l'Education Nationale, la novlangue IUFMienne...). Certes, la vision michéenne du monde semble plutôt catastrophique, mais il s'agit à l'évidence d'une catastrophe lente et progressive, presque imperceptible, qui risque bien d'engendrer des dommages collatéraux au fil des décennies.