Je continue d'être dérangée par le concept "d'établissement".
La vie ouvrière, la misère sociale et économique, la pénibilité du travail, ne sont pas des "expériences" pour étudiants-intellectuels avides de tester leurs théories.
Je me suis sentie voyeuse et coupable quand j'appréciais certains passages du livre. Parce que l'ouvrage est bien structuré, on se retrouve happé par ce feuilleton : "Linhart et ses aventures de prolo d'un jour". Quel malaise. Il y a d'autres façons de rendre compte de la vie ouvrière qu'en se l'appropriant.
Surtout, un énorme vide éthique : pas un mot sur sa démarche, ses origines, son parcours. C'est voulu évidemment, mais ça laisse planer un flou, comme une équivalence entre lui et les autres ouvriers. Il a beau le rappeler de façon éparse, souligner son privilège de français-blanc, s'astreindre à ne pas démissionner pour apaiser sa culpabilité d'être à l'usine par choix, j'ai tout de même l'impression d'assister à une énorme mise en scène de la part d'un mélancolique à la recherche d'émotions fortes.
Pensée pour tous les ouvriers qui n'ont retiré aucun prestige, social ou culturel, de leur vécu. Pour qui il ne s'agit pas "d'un roman", mais de la vie.