Critique de Shaynning
Second opus de la série qui a gagné le Prix des Libraires du Québec dans la catégorie BD étrangère, "L'ombre de l'oiseau" est plus sombre et profond, mais prend place dans un monde plus élaboré,...
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le 23 oct. 2022
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Incontournable Octobre 2024
C'est incroyable de voir comment ce petit hybride roman-album, à peine gros comme un livre de poche, est à peine sorti il y a un mois et connait déjà un si vif engouement! Mais, il le mérite. Ce petit livre, dis-je, a une longueur plus près du roman, mais sa composition illustrée avec quelques petits textes par pages tient vraiment de l'album. Il a un graphisme un peu vieille école en hachures, en pointillé et en encrage, ce qui lui confère une aura intemporelle et passe-partout. "Mo story" en titre original, est paru en 2023 en Corée du Sud, ce qui en fait une des adaptations de langue étrangère les plus rapide que j'ai lu ( usuellement, c'est toujours l'anglais qui est rapidement adapté, c'est un peu agaçant quand on aime bouquiner l'international, je dois dire). Donc, qu'avons-nous dans ce mignon, espiègle et bienveillant petit ouvrage qui flaire le pin et la tendresse?
Mo, vous l'aurez deviné à la couverture, est un chat noir à pattes et ventre blanc, ces chats qui semblent revêtus d'un toxedo leur donnant un air perpétuellement chic. Pris d'une curiosité en pleine nuit d'insomnie pour une étoile souriante entraperçue dans la forêt, notre jeune chat enfile son foulard jaune pour aller en quête de cette étrange apparition. Sur sa route, il croisera plusieurs personnages qui habitent eux aussi la forêt, comme Grand-père hibou, prévoyant érudit soucieux de la sécurité du jeune chat, deux parents mésanges complices qui s'affairent à organiser leur chasse, un écureuil qui accorde une grand importance aux bonnes manières, un raton laveur amateur de cuisine, une tripotée de minuscules mulots charpentiers hors-pairs, ou encore les rennes du Père Noël qui savent apprécier le temps de qualité, eux qui sont si souvent prit par leur travail. Tout ce beau monde aura quelque chose à apporter à Mo, que ce soit de bons conseils, une bonne compagnie et/ou des mets à savourer. Néanmoins, il est un personnage dont on ne recommande pas la compagnie, de l'avis de tous. Il s'agit de l'ours! Or, il se trouve que ce personnage n'est pas du tout ce que les habitants forestiers en pense. Amateur de tricot de feuilles, avenant et hospitalier, il aimerait bien se faire un cercle social. Un souhait que Mo peut définitivement aider à réaliser. Quand à l'étoile...je vais le révéler à la fin de la critique pour ceux et celles qui veulent l'avoir, histoire de ne pas divulgâcher plus encore.
J'ai adoré cette histoire d'une grande douceur, d'une incroyable chaleur et très axée sur des valeurs sociales, comme les gestes réparateurs, l'entraide ou l'hospitalité, tout en valorisant des vertus comme l'empathie, le partage et la gentillesse. C'est définitivement un album pour susciter le bien-être chez son lecteur, qui serait, si je le compare à un met, un rouleau à la cannelle fraichement sorti du four, glaçage blanc inclut. On se laisse bercer par une narration classique, les rencontres qui s'enchainent, les péripéties qui s’additionnent, avec un fond de quête initiatique. Après tout, Mo est un jeune chat, se balader ainsi dans la forêt, c'est nouveau pour lui! On voit bien qu'il a une bonne nature et a une belle raisonnance avec tout le monde. Un garçon sensible, en plus, qui se donne le droit de pleurer quand il détruit involontairement l'un des nids de mulots. C'est un beau personnage masculin, que j'affectionne tout particulièrement et qui malheureusement, dans la vie comme dans la fiction, reste un archétype de garçon outrageusement dévalorisé et sous-représenté. Merci, ô masculinité toxique de mes deux! Hum-hum. Pardon pour ce sarcasme.
Je trouve également que la qualité d'interaction des personnages est notable. Est-ce réaliste? J'estime que oui, le monde n'est pas si négatif qu'on veut bien le croire. Ça fait même du bien d'en croiser dans la fiction, de temps en temps. Je dirais que je retrouve dans cet album les qualités appréciées dans les communautés asiatiques de manière générale, comme la politesse, l'entraide ou encore le travail collectif. Par contre, c'est drôle, mais ce décor ressemble aux forêts du Québec, avec des mulots, des hiboux, des écureuils, des ratons laveurs et des ours. Les rennes sont plus nord-européens. Même la nature m'évoque ma belle province, avec ses conifères de petite envergure et ses feuilles colorées du début de l'automne.
Ce qui me permet de faire une petite transition sur la nature, omniprésente, lieu de cette histoire. Il y a un vrai amour pour la forêt dans cet album, qui présente autant ses habitants que sa diversité, ses aliments succulents et les habitats des animaux. Bien qu'adapté à des animaux anthropomorphiques, avec des objets humains et des vêtements, la nature est réellement mise de l'avant, avec toute sorte de plans et d'angles, des arbres un peu partout, la valse des feuilles qui tombent et la présence des champignons.
Attention, divulgâche!
Donc, pour la fin, Mo rencontre l'ours, qui, comme je le mentionnais, est en réalité un personnage sympathique que les autres ont injustement étiqueté comme étant dangereux. L'ours préfère donc les balades nocturnes pour éviter les gens, mais la solitude lui pèse. Mo va donc tout naturellement lui présenter son cercle social nouvellement acquis. Il retrouve son chez soi après des jours de voyage et il se trouve que cette étoile souriante qu'il cherchait était en réalité la lanterne en forme d'étoile de son nouvel ami l'ours. La dernière page laisse entendre que Mo a très hâte de montrer à sa famille ses nouvelles connaissances culinaires, acquises un peu partout durant son périple.
Côté texte, c'est relativement simple, mais pas simpliste. Il y a une dominance pour le temps présent, le tout est concis et il y a beaucoup de dialogues. C'est efficace et accessible.
Les illustrations sont vraiment jolies, elles aussi simples, mais il y a des détails dans leur exécution, avec toutes ces hachures et pointillés, ces couleurs douces et sombres, et mention aux expressions de Mo, très faciles à décoder. J'ai envie de dire que c'est mignon sans être quétaine/gnangnan.
C'est donc une autre très belle adaptation en français pour la maison Helium, qui a produit, il y a peu de temps, le tout aussi sympathique "Les aventures farfelues de dix chaussettes perdues", un recueil d'histoires polonais révélant les histoires hautes en couleur de dix chaussettes ayant fugué le panier à linge sale en passant sous la machine à laver. Je vous invite à le regarder, c'est une pépite!
Pour ma part, j'ai bien hâte de jaser de ce petit objet - un peu couteux, il fait cependant l'avouer - aux professeurs et aux parents. Je pense que c'est le genre de livre qui sera encore beau et mignon dans 30 ans, intemporel, universel et appréciable pour tous les lectorats. Je pense même que les adultes gagneraient à s'intéresser à ce genre de livre jeunesse. Un peu de douceur et de bienveillance, ça fait du bien à l'âme. Surtout accompagné d'un chocolat chaud à la citrouille. Vive l'automne!
Quand au lectorat jeunesse, compte tenu de sa longueur, je pense que ce sera une œuvre plus adaptée à partir du premier cycle primaire, les 6-7 ans, en lecture accompagnée d'un Lecteur confirmé ( toute personne sachant lire). Pour le lectorat préscolaire, les 4-5 ans, ce sera donc au cas par cas, je connais des cocos de ce groupe qui ont la patience pour cette longueur, mais ils sont peu nombreux. Pour la lecture seule, je pense que ce sera à partir du lectorat intermédiaire du 2e cycle primaire, 8-9 ans+. Par ailleurs, je mentionne aux professeurs et parents que ce livre , par son aération du texte et ses illustrations aussi jolies que nombreuses, peut constituer une excellent choix pour les lecteurs avec des défis en lecture ou les lecteurs qui ne sont pas friands de lecture.
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Créée
le 16 oct. 2024
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