Un petit recueil à 2 euros pour deux nouvelles de Fitzgerald qui ont quelques points en commun. Dont un, inhérent au genre, qui consiste à expédier en quelques pages ce que Hollywood développe si bien en deux heures... Je pense évidemment à l'histoire de Benjamin Button, ici salement torchée, qui a donné lieu à une ample saga romantique à l'écran. Rien de tel dans la nouvelle : la naissance de Benjamin Button est un grand moment de n'importe quoi appliqué; sa mère est d'ailleurs éclipsée pendant des pages pour les besoins de la venue au monde de ce géant septuagénaire qui aurait nécessité un classement gore pour les moins de 53 ans s'il avait respecté les plus élémentaires règles de l'anatomie. Là, le protagoniste apparaît dans toute son étrangeté, en marge du réel, et celui-ci reprend peu à peu ses droits à mesure que la narration a besoin de se frotter au banal pour en dénoncer l'absurdité. En d'autres termes, Fitzgerald ne s'encombre guère de scrupules, mais sa nouvelle y gagne en rythme. On suit les mésaventures de ce pauvre Benjamin, condamné à une différence patente, sauf dans les quelques années du milieu de sa vie où il peut se fondre dans la masse. Pour le reste, c'est la dure réalité de la vie en société qui s'impose à lui : tout le monde le déteste, l'ignore ou le fuit. Ceci dit, le héros lui-même ne dédaigne pas la superficialité quand sa femme commence à accuser les années... En somme, l'auteur ne brille pas par son optimisme, ni par sa philanthropie. Et la fin tragique enfonce le clou.
Quant à la deuxième nouvelle, La lie du bonheur, elle n'est guère plus joyeuse, en ce qu'elle met en scène deux fiascos conjugaux : l'un, tragique, dû à la maladie, l'autre, amer, à la superficialité de certains mariages mal assortis. L'auteur explore deux trajectoires contrariées et dépeint deux destins qui se tressent et se défont, sans parvenir à s'aligner complètement. Encore un grand moment de joie de lectrice, qui renvoie aux ruminations habituelles sur le sens de la vie, la nature de l'amour et l'importance du Destin. De vrais sujets, donc, pour ces quelques pages (mineures, à mon sens, mais je n'ai jamais aimé les nouvelles) qui évoquent les grands dilemmes de l'existence sans jamais les saisir à bras le corps. Honnête, sans plus.