L'Évangile selon Pilate est un roman mouvant : Yéchoua/Jésus y raconte d'abord à la première personne sa prise de conscience spirituelle, ses doutes et ses renoncements, jusqu'à endosser le costume du Messie. Puis nous lisons les lettres de Pilate à son frère, qui relate du point de vue du législateur romain "l'affaire Yéchoua" : ses manœuvres politiques avec Hérode et le Sanhédrin, la crucifixion, et enfin, la disparition du corps puis les apparitions mystérieuses du ressuscité à quelques galiléens pénitents. Pilate est un Romain lettré, las de la Palestine mystique et de ses envolées messianiques, où les faux prophètes et les vrais escrocs pullulent. Le récit se transforme imperceptiblement en roman policier : où est le corps ? Yéchoua est-il mort sur la croix ? qui tire les ficelles ? comment éviter l'embrasement populaire, voir la révolte des Juifs ?
C'est à la fois un récit très cartésien qui interprète la Bible dans un souci de vérité historique (même si attention, ça reste une fiction, et l'auteur se permet des ressorts qui ne sont pas du tout dans le texte), mais aussi très spirituel et mystique. L'écriture d'Éric-Emmanuel Schmitt est délicate et déliée, elle s'accorde merveilleusement bien au ton empreint de ferveur des premiers et derniers chapitres.
Finalement, on se rend compte que L'Évangile selon Pilate est un roman sur le mystère de la foi, le doute qui s'insinue dans la réception de la Révélation, le choix laissé à l'interprétation. C'est une réflexion entraînante et poétique sur la conversion, la frontière ténue entre le scepticisme et la foi, la pari de l'espérance... j'ai été ébranlée plus que je ne l'aurai cru.