Quiconque s'intéresse un peu aux genres de l'imaginaire sait que le terme science-fiction, à peu près tel qu'on le comprend aujourd'hui, date du début du vingtième siècle et qu'on le doit à l'homme de presse Hugo Gernsback.L’œuvre qui nous occupe aujourd'hui date de bien avant, pourtant il est d'usage de voir en ce roman un des textes fondateurs du genre. Je trouve toujours compliqué de tenter de rattacher une œuvre à un genre plus récent que cette dernière. Certains préfèrent donc parler de proto-science fiction. Mouais... Et si on se contentait de lire *L’Ève future* sans vouloir à tout prix lier le récit à des notions contemporaines ?
Les romans fantastiques du 19ième, pour la plupart, possèdent un style suranné, un brin ennuyeux, et *L'Eve future* ne fait pas exception... Curieusement c'est un élément que je n'ai pas eu l'occasion de remarquer chez de grands auteurs de littérature blanche de la même époque, comme Zola. Pour garder un peu de recul sur ma lecture, j'ai donc tenté de mettre cette dimension de côté...
Alors ? Alors le récit de monsieur de L'Isle-Adam n'est pas du tout ce que j'attendais... Oui, le prétexte du récit, la création d'un « andréide », un être artificiel ressemblant à s'y méprendre à un humain, est fantastique... Sauf que je n'ai pas choisi le terme prétexte au hasard. Hadaly, la créature en question, offre avant tout à l'auteur le point de départ de longues réflexions plus ou moins philosophiques, sur la femme, l'être humain, la science,... Ces interminables tirades ne m'ont que fort peu intéressée. Elles sont le reflet d'une époque qui n'est pas la mienne... Là où la véritable philosophie se teinte d'universalité – ainsi la *Lettre à Ménécée* d'Epicure surprend par ses échos actuels-, *L'Eve future* ne parvient pas à s'extirper de son contexte.
Hélas, ce n'est pas le seul aspect qui m'a empêchée de prendre plaisir à ma lecture. Les personnages principaux m'ont paru sans intérêt. Edison, note ami-lecteur qu'il s'agit ici d'un personnage de fiction qui n'a que peu de rapport avec le scientifique qui a effectivement existé, manipule son entourage sans se poser de question. Bien entendu lorsque l'on rencontre lord Ewald, ce dernier semble prêt à mettre fin à ses jours mais lorsque Edison le pousse à accepter une andreide à l'image de la femme qui lui a brisé le cœur, il sert d'abord ses expériences. Quant à notre pauvre aristocrate, bien que présenté par son ami Edison sous les traits d'un chevalier moderne, il m'a semblé être seulement un homme faible. Non seulement, une simple déception amoureuse l'a plongé dans les affres les plus sombres mais, tout au long du récit, il passe son temps à se laisser convaincre de tout et n'importe quoi. Dans un premier mouvement, il s'oppose régulièrement à son ami Edison mais il suffit que ce dernier lui tienne un discours exalté qu'il change d'avis. Une girouette romantique, voilà ce qu'il est. Le seul « personnage » qui aurait pu m'attacher ? Hadaly, l'être crée par le scientifique. Sauf qu'elle n’apparaît que fort peu dans le récit et toujours comme un écho des héros masculins. À ce sujet, nombre de lecteurs contemporains de l’œuvre de L'Isle-Adam lui ont reproché d'être résolument misogyne. Alors oui, la femme y est dépeinte de manière quelque peu agaçante : soit pure et droite, soit malhonnête et ambitieuse. De plus, elle ne semble exister qu'en tant que compagne potentielle d'un homme. Je comprends parfaitement ces reproches mais je les ne les trouve pas pertinents. De la même façon qu'on ne peut juger de *La Mégère apprivoisée* à l'aulne de nos féminismes contemporains, il me semble hors de propos de faire la même démarche avec *L'Eve future*.
Si je comprends qu'on ait tendance à voir dans le roman de L'Isle-Adam un texte fondateur de la science-fiction, du moins qu'on puisse la relier à de la proto-science fiction, je pense cette lecture tout à fait évitable. Non seulement, je me suis ennuyée mais à aucun moment le récit ne m'a émue ou les personnages intéressée. Bref, une déception.