L'expert est le second tome des aventures de Jonathan Hemlock, dont le pedigree fait rêver : professeur d'université, alpiniste, tueur pour les services secrets, et par ailleurs fan de Laphroaig et des impressionnistes (dont il ne conserve que des originaux)...
Vu d'ici, je conçois que le personnage, phantasme d'adolescent recroquevillé sur son moi, soit presque repoussant tant il cadre avec les personnages caricaturaux à la Fleming.
Je vois malgré tout quelques différences fondamentales dans les bouquins de Trevanian. La culture d'abord, le personnage principal n'étant pas un tueur froid et sans scrupule a priori, mais un prof de fac aux loisirs dispendieux arrondissant ses fins de mois pour assouvir ses vices : pas tant le whisky (il a en la matière des goûts sûrs mais finalement peu excessifs) que les toiles de maitres impressionnistes qu'il conserve jalousement, une fois les fameuses "sanctions" effectuées et le paiement de son employeur reçu.
D'autre part, le cynisme dont le narrateur fait preuve régulièrement, avec un sens de l'aphorisme et de la méchanceté gratuite admirable, distancie le lecteur du personnage principal, de l'environnement dans lequel il évolue également : demi-mondains, critiques d'art et espions tous aussi vains et fats les uns que les autres.
Ajoutez à cette recette un brin d'intrigue plutôt bien emmanchée et quelques moments de bravoures amusants, saupoudrez le tout d'une naïveté relative mais bienvenue du personnage principal, et on savoure assez largement l'histoire de ce personnage insensé au carrefour de plusieurs mondes.
Même si la vraisemblance vacille parfois on accepte en effet de bon gré de laisser notre incrédulité au placard pour suivre les histoires picaresque de Jonathan Hemlock, poussé au milieu d'un nid de frelons (Londres, nid de frelons ?) se dépatouiller comme il peut entre son aversion poussée pour le genre humain, sa faiblesse pour les grands yeux verts et les muscles protubérants de porte-flingues prognathes et violents.
Les 2 tomes, bien qu'assez largement indépendants, méritent d'être lus dans l'ordre. Il méritent d'ailleurs d'être lus tout court.
