Frank Machianno tient une boutique d'appâts sur la plage de San Diego, fournit en linge de table et en poisson frais les grands restaurants du coin, surfe chaque matin avec sa bande et s'occupe d'immobilier l'après-midi - un gars bosseur, sympa et sans histoire. Mais dans une vie antérieure, il a été l'homme de main le plus dangereux de la mafia de la côte Ouest. Une vraie machine à tuer, d'où son surnom, Frankie Machine. C'est connu, on n'échappe pas à son passé. Tout bascule le jour où Frankie accepte de rendre service au fils d'un "boss" local : l'affaire tourne mal. Le voici en cavale, traqué par des tueurs impitoyables. Dieu soit loué, il n'a rien perdu de son savoir-faire... N'empêche, d'une planque à l'autre, il s'interroge : qui peut donc bien vouloir sa peau ? Mené à un rythme d'enfer, à la fois violent, drôle et sentimental, L'Hiver de Frankie Machine dresse le portrait attachant d'un héros paradoxal..
Autant le dire tout de suite, L’hiver de Frankie Machine n’a pas l’ampleur, l’ambition et la puissance de La griffe du chien ou de Cartel.te » un thriller parfaitement huilé, au style incisif et impeccable, à l’action réglée au millimètre. Plutôt dans l’esprit de Mort et vie de Bobby Z . « Juste », mais c’est déjà beaucoup. Parce que les pages tournent toutes seules, parce qu’on prend un immense plaisir à le lire, parce qu’on ne peut plus le lâcher une fois qu’on l’a ouvert. Ce qu’on ne peut certainement pas dire de tous les livres publiés à longueur d’année ! Que du plaisir donc, pour ceux qui aiment le genre.
Auteur de polars truculents et fantaisistes consacrés au détective Neal Carey, Don Winslow livre ici un roman plus académique mais tout aussi réussi.
A travers la cavale de Frankie - un de ces mauvais-garçons-sympathiques-malgré-tout dont il a le secret - et de ses souvenirs, Don Winslow évoque l'itinéraire d'un affranchi au sein de la mafia de la côte ouest, des années 60 à nos jours, entre business - la trinité prostitution-porno-clubs de strip surtout -, graissage de pattes, financement de campagnes politiques, cache-cache avec les fédéraux...
Quant à la "famille", au code de l'honneur et à "toutes ces conneries de folklore sicilien", ça s'arrête à la lisière du billet vert. Luttes d'influence, exécutions sommaires, complots sont monnaie courante. Un peu de sang versé, les requins s'entretuent et vous pouvez descendre votre allié. Le boulot, rien de personnel là-dedans.
Si on se mélange parfois un peu les pinceaux avec tous ces mafiosi de San Diego, Vegas, Détroit ou L.A., peu importe, on est emporté par ce brillant exercice de style, parfaitement abouti, qui pourrait bien devenir un classique du genre, tant l'auteur maitrise son sujet.
Et si L'hiver de Frankie Machine ne possède pas cette inventivité et cet humour décalé propres à la série des Neal Carey, Winslow a toujours l'art et la manière de nous conter une histoire et de nous happer dès les premières phrases. Toujours en mouvement, en rythme, en verve.