Dans la longue carrière de Robert Silverberg, L’homme dans le labyrinthe fait figure d’oeuvre généralement citée comme incontournable. Un classique dit-on, pour qui aime à se pencher sur la littérature de Science-Fiction des décennies précédentes. Or, à notre époque actuelle, que peut-on retenir de cette oeuvre de 1968 (soit près de 50 ans déjà en arrière) ?
Depuis 9 ans maintenant Muller a fui l’Humanité pour se réfugier dans le gigantesque labyrinthe de Lemnos. Un piège architectural de la dimension d’une ville, toujours en parfait état de fonctionnement des millénaires après qu’une race extraterrestre maintenant disparue l’ait crée. A chaque embranchement, à chaque pas, c’est une trappe qui s’ouvre en une fraction de seconde, des flammes qui vous brûlent sans prévenir, un écran qui s’allume pour, à doses massives d’hallucinations sensorielles (visuelles et sonores), vous perdre sur des pics acérés qui jaillissent sans bruit du mur…
Sans compter les carnivores de toutes tailles qui rôdent continuellement jour et nuit.
Un enfer qui correspond bien au besoin de solitude de Muller.
Or un beau jour, une navette atterrit non loin (le labyrinthe désintègre tout vaisseau qui tente de le survoler !) de ce dédale risqué. A son bord une troupe de plusieurs hommes menés par le jeune Ned Rawlins et son supérieur plus âgé, Charles Boardman. Leur mission ? Faire sortir Muller au prix de n’importe quel mensonge car à des années-lumières de là, le destin de la Terre se joue. Et il semblerait que Muller ait bien son rôle dans la tragédie qui se prépare…
Si Silverberg n’est pas particulièrement un maître du Page-turner (à l’instar de Stephen King, l’habitué de ces lieux), force est de constater qu’il est en revanche particulièrement habile dans la psychologie de ses personnages et l'installation d'ambiances contemplatives qui amènent souvent le lecteur à réfléchir avec le recul à ce qu'il vient de lire. Et si L’homme dans le labyrinthe peut paraître daté à certains endroits (En 1968, date de sa parution américaine, c’est le temps du flower-power et de l’amour libre. On notera d’ailleurs ici que les rares personnages féminins s’avèrent sans consistance et ne pensent qu’à l’amour ou au mariage ! Beh alors Robert, c’est quoi ce bazar ?) et laborieux dans sa construction, il se révèle assez prenant dès lors que l’étau se ressert. Car oui, au prix de plusieurs pertes (de robots sondes et même d’hommes), Rawlins et Boardman arriveront à se rapprocher de Muller.
Mais est-ce que celui-ci, dorénavant maître d’un lieu impitoyable, se laissera t-il faire ?
Là est tout le suspense grandissant de ce roman qui se lit finalement très bien.
En plus de proposer une réflexion bien sentie sur la solitude face à notre chère humanité qui aime toujours plus se côtoyer à fond, il est à noter que Silverberg réactualise en fait un mythe méconnu de l’antiquité grecque, celui de Philoctète. Sans spoiler le lien wikipedia donné (que je vous encourage d’ailleurs à ne lire qu’en diagonale au risque de déflorer un peu l’intrigue), disons que cette perspective permet de donner plus de grandeur et de mythe à ce qui peut s’apparenter à une simple mission dans un décor purement science-fictionnel.
Et pourtant, au delà d’une relecture d’une possible légende, il faut admirer la subtilité de l’auteur dans ses dialogues : toute action est souvent évacuée le plus possible pour laisser la place à la psychologie et à l’étude des personnages. Comme dans un huis clôt ou une pièce de théâtre, où la tension monte et parfois s’évacue au détour d’une pause. C’est donc une sorte de petite tragédie que Silverberg bâtit, avec à la clé une probable réponse à ce qui pourrait arriver lors d’une première confrontation humain/extraterrestre.