Mathilde Viot a parcouru l’arène de l'assemblée nationale pendant 7 ans. Elle a fondé le collectif Chair Collaboratrice pour mettre en lumière le sexisme des femmes en politique, a rejoint le groupe de la France Insoumise en 2017, a cofondé le mouvement #MeTooPolitique et fait partie d'un collectif écoféministe : les Invasives. Et j'ai trop aimé cet ouvrage, lisez-le sans attendre !
On peut y lire une question lourde de sens et rattachée à la réalité politique actuelle : Pourra-t-on réussir une bifurcation de modèle si l'on demeure piloté par des personnes qui évitent la réalité ? Peut-on réellement faire confiance à quelqu'un qui refuse les émotions et considère que la vulnérabilité est vulgaire ? Mathilde dénonce le fonctionnement délétère des institutions politiques à travers ceux qui les incarnent : les hommes blancs cisgenres hétérosexistes bourgeois. Mais elle va plus loin en essayant d'éclairer ce qui maintient ce pouvoir : les rouages rouillés de l'institution viennent bien de quelque part. D'abord des codes bourgeois vestimentaires par exemple (cf : le maillot de foot de Ruffin ou la robe de Rachida Dati), la façon de s'exprimer, les sujets traités, les comportements masculins d'entre-soi pendant que les parlementaires femmes rentrent s'occuper de leur enfant ou d'autres choses. Les réunions qui durent infiniment. Le sexisme et ses agressions sexuelles récurrentes.
Elle raconte la vie difficile des collaborateur.rices qui sont comme des objets des député.es qui sont soumis à un turn-over important : on leur fait comprendre que leur fonction est sur la sellette. Pour ce qui est des femmes en politique progressistes, les menaces vont bon train, y compris des rappels comme "on connait votre adresse et votre fils, il va bien ? Vous avez saisi le message". Quant au personnels qui s'occupent des lieux, des femmes racisées ne doivent pas être visible.
Mathilde Viot dénonce la non-représentativité de la population française, le pouvoir de l'argent, de la corruption et de la solidarité masculine des boys club : iels appartiennent à la même caste, de gauche comme de droite. Bien sur elle nuance à de nombreux moments et montre bien la complexité que l'on retrouve dans nos sociétés sur les enjeux de la représentativité qui témoigne d'une crise. De nombreux mécanismes d'invisibilisation existent pour faire taire les femmes et les personnes minorisées dans nos sociétés : les micros sont réglés pour des fréquences masculines. Les conséquences de tous ça ? Elles sont plus nombreuses à partir... compliqué quand il faudrait au contraire qu'elles soient majoritaires pour dissoudre le pouvoir et le redonner au peuple. On ne peut se résoudre à uniquement penser à l'extérieur des sphères de pouvoir, il va falloir réfléchir à l'infiltration, c'est ce que suggère Mathilde.
Il y a plein de choses chouettes dans ce livre, notamment une "blague/devinette" qu'adresse Mathilde Viot à Jean-Michel Blanquer - qui fait toute une page - pour promouvoir l'écriture inclusive. Il n'a évidemment pas trouvé.