On n'a pas marché sur la Lune, mais on l'a vendue
_ Quel effet ça fait de lire en 2014 des “histoires du futur” imaginées un demi-siècle plus tôt?
_ Curieusement on s’y retrouve parfaitement.
(vous remarquerez que je m’auto-interviewe : on n’est jamais aussi bien servi que par soi même hein).
D’abord parce que les nouvelles qu’on nous propose ne sont pas forcément liées entre elles, on peut très bien les lire indépendamment même si des liens existent, les sujets évoluent de l’une à l’autre et dans le lot on peut trouver des choses plus ou moins pertinentes.
L’intérêt principal c’est de voir qu’à chaque fois les thèmes sont abordés d’une manière inattendue, et c’est plus la façon dont sont perçues ou mises en place les innovations que leurs contenus qui sont mis en avant.
Du coup même si les projets ne sont pas réalisables, le raisonnement global reste valable.
ligne de vie:
Un savant a trouvé le moyen de connaitre la date de mort de chacun d’entre nous.
L’auteur met l’accent non sur l’invention en elle-même, mais sur son accueil par la communauté scientifique, et sur le scéptisisme auquel se heurtent beaucoup de découvreurs, sur les impacts d’une telle découverte.
Le tout dans un style très aisé à lire, comme une petite histoire avant de se coucher, vraiment très agréable.
les routes doivent rouler:
Nous arrivons dans un futur où les routes ont pris une importance folle, parce que ce sont des sortes de tapis roulants géants qui mènent les gens un peu partout à travers le pays.
Bien, sauf qu’ici le problème c’est qu’une révolte gronde.
La nouvelle a plus d’accents révolutionnaires et de lutte ouvrière que de science fiction, et on en vient presque à oublier l’histoire de base pour se retrouver dans quelque chose de très ordinaire, mais tout de même intéressant.
Il arrive que ça saute:
peut-être la nouvelle la plus actuelle.
Dans le cadre de recherches fondamentales pour trouver une nouvelle source d’énergie, des psychologues sont chargés de contrôler en permanence l’état d’esprit du personnel, et d’empêcher tout pétage de plombs.
Où les dérives et limites d’un système qui veut tout contrôler et tout lisser.
Heinlein en profite pour mettre en avant les moyens de responsabiliser ou au contraire rejeter la résponsabilité sur autrui.
Des choses très parlantes, et bien amenées. Dans notre société où “l’appel à l’assurance” a tendance à supplanter “l’appel à un ami” (et ce n’est pas mon dernier mot Jean-Pierre), difficile de ne pas apprécier le côté visionnaire de cette nouvelle.
L’homme qui vendit la Lune:
encore une nouvelle qui résonne bien aujourd’hui.
Ou comment il faut savoir négocier à tous les niveaux pour arriver à ses fins.
On est à la fois dans la science fiction, dans la finance, le juridique, l’entourloupe, les montages en pagaille…
Au final c’est assez dense, certaines conversations nécessitent un peu d’attention pour bien saisir les enjeux.
Et quand on y repense, n’importe quelle épopée est soumise à toutes ces contraintes et petits arrangements, et quelque part ça fait froid dans le dos.
Une nouvelle très politique.
Dalila et l’homme de l’espace:
Une dernière pour la route, beaucoup plus légère que la précédente:
surprise! la nouvelle recrue pour mener à bien une mission d’installation d’une colonie sur la Lune est … une femme!
Oula ça devient difficile pour l’armada d’hommes qui gravitent depuis plusieurs mois sans avoir vu un seul jupon.
Une fois de plus l’auteur part d’une situation pour aborder des thèmes de société comme la discrimination, les dérives des cloisonnements trop étanches, et l’impossibilité à contrôles les êtres humains et leur perpétuelle soif de liberté et de libre arbitre.
Pour résumer:
Voici un livre très bon, vraiment, et bien écrit, c'est à se demander pourquoi j’ai passé tant de temps à le laisser de côté alors qu’il me plaisait beaucoup.
Encore un mystère de l’univers, mais je doute que des chercheurs planchent un jour sur ma capacité à commencer des livres sans arrêt pour n’en terminer que très peu.