Après avoir avidement lu le récit détaillé de la Révolution Française, il m'était impossible de ne pas achever mon aventure avec cette biographie de celui qui symbolise grandement cette glorieuse, et pourtant controversé, période de notre histoire : Maximilien Robespierre. L'homme est aujourd'hui quasiment unanimement détesté. Il serait l'inventeur du terrorisme, le précurseur du totalitarisme, tantôt un rouge assoiffé de sang, tantôt un prêtre puritain ascète. A la lecture de cette biographie, il en reste que Robespierre a été dans l'histoire et dans la pensée populaire un bouc émissaire de la Terreur Révolutionnaire, et au regard de la réalité, il n'a été ni meilleur ni pire que lui-même. Finalement, l'homme a été plutôt absent des grands événements révolutionnaires, n'a joué qu'un rôle de conseil, de juriste et de penseur, un peu lâche et peu enclin aux mouvements de foules et à ses insurrections. L'homme timoré a méthodiquement évité tous les postes de pouvoir, se livrant à ses obsessions, à ses longs discours méthodiques, en condamnant ceux qui usurperaient et la Révolution et la défense du peuple. Entre sa fascination pour l'Être Suprême, le Peuple et la Vertu, Robespierre devient Robespierre quand il est élu au Comité de Salut Public, et qu'il devient alors avec ses fidèles Saint-Just et Couthon un dictateur que l'on connaît particulièrement bien. Le pire écueil pourrait être celui de regarder l'histoire de cet homme à travers le prisme du bien et du mal, et de celui de la morale. Il ne s'agit ici ni d'enfoncer, ni de réhabiliter l'homme qu'il était. Maximilien Robespierre semblait vivre dans un autre monde, ne comprenant pas tout, conceptualisant tout, dans un abstrait, ne se rendant pas compte de la terreur qu'il inspirait. L'Incorruptible, le même homme qui pleurait quand on condamnait à mort, est l'instigateur de la Grande Terreur, sans toutefois en avoir saisi la portée. En revanche, le livre de Max Gallo souffre quelques fois de certains problèmes méthodologiques : la psychanalyse d'abord, si tenté qu'on y croit. Ensuite, l'idée d'une interprétation un peu toujours identique, d'un homme morbide fasciné par sa mort, la cherchant et la provoquant paraît un peu osée.
Au XVème siècle, la famille Robespierre est pauvre. Au XVIème siècle, les Robespierre achètent une charge et deviennent alors juristes, profitant de la vénalité des offices et devant des nobles par adoption. Cette famille arrageoise va cependant souffrir de nombreux deuils. Maximilien est l'aîné d'une fratrie qui va perdre ses parents, et va être plongé dans une extrême pauvreté. Le jeune Robespierre sera sauvé par les prêtres, d'ou le fait qu'il ne sera jamais vraiment anticlérical, et va suivre une grande éducation dans les écoles les plus studieuses. Il ne se mélangera jamais aux autres, se consacrant à ses propres petites passions, à collectionner, à élever des oiseaux et à étudier pour finalement devenir à Paris l'un des meilleurs élèves de son collège. Il sera tellement talentueux qu'il sera choisi pour lire un discours devant les Souverains : Louis XVI et Marie Antoinette. Le jeune homme est isolé, plongé dans le dénuement, chargé de veiller sur son frère et sa soeur. Diplômé, il initie une carrière d'avocat à Arras, sans montrer encore une réelle fibre révolutionnaire, et se fera un nom. Il deviendra également Juge, et ne supportera pas de condamner un homme à mort. Il est unanimement apprécié, notamment par le petit peuple dont il se sent résolument proche, ayant lui aussi connu la faim et le froid. Il s'en fera alors une vision idéalisée, un idéal à défendre coûte que coûte. Quand explose la Révolution, c'est grâce à lui qu'il est élu. Et c'est pour lui qu'il se battra. Il mange peu, il boit peu, il dort peu, on ne lui connait pas de maîtresse, simplement une jeune ouvrière qu'il entretenait de manière un peu méprisante. Il vit de manière puritaine, sans grand appétit, choyé par les Duplay qui le vénèrent comme un Dieu. Il a une voix faible, une peau glabre, des perruques et costumes soignés, et même si on le remarque, on l'interrompt et on se moque de son faible organe et de ses prêches interminables. Robespierre n'est personne en 1789. Il ne deviendra quelqu'un qu'en 1792, et arrivera au pouvoir en 1794. Date de sa mort.
L'homme politique est talentueux. Il est aimé des indigents et des plus sociaux de la Révolution, notamment du Peuple. Il appelle de ses voeux le suffrage universel. Il ne supporte pas des mesures allant à l'encontre de la Loi et de l'intérêt des plus faibles, bien qu'il prenne du temps à accepter l'idée d'une taxation, ou des insurrections. Tandis que Danton organise presque toutes les journées qui amèneront à la République, Robespierre planche sur ses discours et ses projets de Loi. Il est un bourreau de travail. Il se distingue par sa volonté d'abolir la peine de mort et l'esclavage. Il en appelle sans cesse à la Vertu. Il semble œuvrer toujours pour le futur lointain, pour les hommes qui naîtront. Il va acquérir peu à peu un grand talent oratoire, et va développer un très grand charisme, peut-être supérieur à celui de Danton. Il ne se laisse acheter par personne, ni flatter et n'a que très peu d'amis. Il n'en désire pas, c'est pourquoi très vite les journaux l'ont appelé l'Incorruptible. Il refuse le poste d'accusateur public, le laissant à Fouquier-Tinville. Il renonce à cumuler les mandats dans le temps avant son explosion. Souvent, il semble perdu, ne pas comprendre. Lui qui défend tant le Peuple semble ignorer sa faim et sa misère, la trouvant presque exemplaire et vertueuse, il est toujours hostile à l'Insurrection et à la Violence. L'homme vit à contre-courant, dans le monde des Idées, et ne supporte pas le concret. L'athéisme et l'hédonisme l'irritent au plus haut point et il rend obligatoire le culte de l'être suprême, puisque dans son esprit déiste, le peuple ne peut être vertueux que parce qu'il est contrôlé par une instance supérieure, et récompensé dans une vie antérieure. Dans ses discours, un certain égocentrisme ressort, il déteste être moqué ou jugé. Il élimine méthodiquement tous ceux qui sont sur son passage : les Hébertistes, les Indulgents et les autres. La dernière année de sa vie, il semble perdre totalement pied, entre ses maladies et les disputes incessantes à la Convention. Son erreur politique majeure est de ne pas avoir nommé les ennemis qu'il prétendait combattre, à tel point que ses anciens alliés montagnards se sont alliés avec la Plaine pour le faire exécuter, lui et ses alliés les plus proches. Ce moraliste semble s'être égaré dans l'Histoire. Alors qui était Robespierre ? Un fanatique ? Un sauveur (son règne a été positif au niveau de la guerre et du social.) ? L'homme reste insaisissable, et en demeure pour moi-même une des plus grandes énigmes.