L'art de trop en dire

Tout cela est charmant. Il me plaît de relire un peu de Lovecraft de temps à autre. L'écriture est baroque et torturée, chaque page regorgeant de descriptions angoissantes. Lovecraft sait poser une atmosphère pesante avec beaucoup de talent. Le malaise est palpable, le glauque omniprésent , le mystère plane au-dessus de chaque personnage et le bizarre y côtoie en permanence l'anormal.

Mais tout de même, cette littérature est un peu désuète. Les descriptions de monstres sur trois pages ont quelque chose de grotesque et d'un peu puéril. D'autant plus qu'à trop donner de clés, on en arrive à se faire une représentation bien trop précise de ces créatures, les rendant finalement moins effrayantes. De fait, les trente dernières pages détricotent minutieusement tout le mystère patiemment installé dans la première partie du livre.

On était en droit d'espérer une conclusion plus ambivalente et moins explicite à cette nouvelle, tant sur la cosmogonie contenue dans le Necronomicon que sur les origines et objectifs de ces fameux "Grands Anciens". A trop en dire, Lovecraft gâche quelque peu le potentiel de son histoire, dissipant les inquiétantes brumes narratives qu'il avait patiemment mises en place dans la première moitié du livre. L'angoisse produite par le mystère est finalement sacrifiée sur l'autel de l'explicite et c'est un peu regrettable.