Le moins que l'on a puisse dire c'est que Fred Vargas a fait le boulot !


Non seulement sur la multiplicité et la gravité des risques qui pèsent sur l'avenir du genre humain, mais encore sur les solutions possibles (non sans les relativiser au besoin quand elles ont elles-mêmes des effets collatéraux).


La lecture de cet essai n'est pas follement agréable : ni dans le fond (mais on s'y attendait) ni dans la forme (plus surprenant quand on lit un romancier de cette trempe) : c'est, pour moi, le manque de découpage de l'ouvrage en chapitres qui présente un côté étouffant (que le correcteur et ses humeurs - procédé humoristique que Vargas a trouvé pour jouer ce rôle - ne compense que trop peu).
Mais enfin, l'objectif est atteint : c'est renseigné et surtout ça ne nous berce pas d'illusions sur ce qu'on est en droit d'attendre de ceux qui sont aux manettes : rien ! (sachant que c'est sans doute même pire que cela puisque, comme le soulignaient Pablo Servigne et Raphael Stevens dans Comment peut tout s'effondrer, « le seul point commun aux effondrements étudiés par Jared Diamond, ce sont les mauvaises décisions des élites au dernier moment. »
Mais Vargas compte sur nous : elle espère (et elle a raison, ça ne fait de mal à personne) que la prise de conscience va nous faire réagir. Elle le croit sans doute d'autant plus volontiers qu'elle s'échine à nous montrer les voies possibles pour en sortir, ou pour amoindrir les chocs à venir. Elle compte sur « les gens » et des solutions de résistance passive (le boycott) et active (des choix de transport, d'alimentation, de consommation responsable et respectueux du vivant).


Comme j'aimerais y croire… Non pas que je « nous » tienne pour des irresponsables sans coeur (ce serait, en grande tendance, plutôt l'inverse). Mais j'ai bien peur que les forces à affronter ne soient pas que naturelles. Nous avons beau savoir, et même vouloir, « nous » (un très grand nombre en tout cas) sommes » tenus en cage (parfois même dorée), ligotés par les crédits, détournés par les distractions, manipulés par les faux débats et vraies intoxications informationnelles, aliénés par des organisations du travail rien moins que responsabilisantes et démocratiques, surveillés et mêmes de plus en plus intimidés au moindre mouvement de contestation pour ceux qui voudraient faire face, entraînés par mille propagandes (commerciales, politiques, philosophiques, linguistiques mêmes, bref : IDÉOLOGIQUES) pour que le plus grand nombre – même conscientisé par ailleurs, par des essais importants comme celui-ci – continue d'avancer vers le précipice… C'est qu'aussi insatisfaisante que soient notre servitude, elle est difficile à renverser, atomisés que nous sommes. C'est qu'aussi frustrantes soient nos vies superficielles, elles sont encore trop confortables. C'est qu'aussi informés et effrayés pouvons-nous être par les chiffres, les rapports et les essais qui démontrent ce que l'été brûlant ici, un déluge là-bas, la fonte des glaciers et les catastrophes sanitaires un peu partout, de plus en plus répétées, rapprochées, nous donnent à voir, nous vivons encore dans un décor qui tient. Bref, le piège est redoutable.

Julius-Grakus
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le 21 déc. 2021

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Julius-Grakus

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